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Gleason Théberge – Si vous croyez que ce sont les dictionnaires qui décident du bon usage de la langue, détrompez-vous. Ils ne font qu’ajuster assez régulièrement leurs listes d’après ce que les journalistes, les publicitaires et les littéraires utilisent, que ce soit correct ou non.
Or, quand des francophones empruntent un mot d’une autre langue, celui-ci conserve d’abord la manière dont il y est écrit. On reconnaîtra ainsi des mots comme whisky (irlandais), marketing (anglais), koala (australien). Mais des mots finissent parfois par s’écrire selon les règles de la prononciation française : rédingote (du riding coat anglais), calèche (du kalesche allemand), pitoune (du happy town, nord-américain), Pékin (du Beïjing chinois).
Quand on annonce ainsi une nouvelle édition d’un dictionnaire, à moins qu’il s’agisse spécifiquement d’une refonte intégrale, les concepteurs se contentent de voir les pages où généralement quelques centaines de nouvelles entrées doivent être inscrites. Ils y enlèvent quelques lignes aux mots déjà présentés, voire, en enlèvent s’ils les considèrent inutilisés, et insèrent les ajouts.
C’est ainsi que le Larousse, qui ajoute des illustrations aux noms communs et propres, s’est acquis la réputation d’être parmi les premiers ouvrages à faire paraître de nouvelles expressions; c’est aussi celui qui en fait davantage disparaître, qui ne servent plus. Le Robert, lui, se distingue par l’indication de la provenance et de la prononciation exacte de tous les mots. Il est moins rapide à évacuer les mots anciens. Le Littré, quant à lui rajeuni en 2004, après ne l’avoir été que dans les années 50, est celui où l’on retrouve encore de nombreux vieux mots de la langue française, comme déparler, giguer ou safre (gourmand).
Mais parmi la trentaine d’ouvrages déjà parus au Québec sur notre vocabulaire et nos expressions familières, celui qui reflète le mieux la langue telle que nous l’ont léguée les ancêtres de la Nouvelle-France est le Bélisle, publié en 1958 chez Beauchemin. Élaboré par Louis-Alexandre Bélisle après quarante années passées à le composer, son dictionnaire offre plus de 60.000 mots augmentés d’illustrations, à la manière du Larousse. Le lecteur y retrouvera abrier, maganer, quêteux et sacripant (espiègle). Mais il faut mentionner aussi le Dictionnaire de la langue québécoise, paru chez VLB en 1980. Léandre Bergeron y a présenté sans censure 20.000 mots de la langue parlée, transcrits généralement en stricte graphie de voyelles et consonnes françaises, dont char (auto), bisoune (vagin), décâlisser, fiouse (fusible), loader (charger), pine (pénis), siffleux (marmotte), sloche…
N’oubliez cependant pas que, même inscrit au dictionnaire, un mot n’y est conservé que si l’usage en confirme la présence dans les textes plus ou moins récents.