- Échos du conseil de ville de Piedmont - 18 décembre 2024
- Échos du conseil de ville de Piedmont - 21 novembre 2024
- Échos du conseil de ville de Piedmont - 17 octobre 2024
Le règlement Québécois entrera en vigueur en mars 2020
Émilie Corbeil – Le 4 décembre dernier était publié le nouveau règlement d’application de la Loi visant la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens. Si les acteurs du milieu s’entendent pour dire qu’il était nécessaire que Québec réagisse à la suite de plusieurs incidents dramatiques, plusieurs déplorent toutefois le peu de mesures proposées en prévention et les difficultés d’application à venir.
À ce sujet, le Journal s’est entretenu avec Dre Caroline Kilsdonk, présidente de l’Ordre des vétérinaires, ainsi qu’avec Christine Malenfant, administratrice du Regroupement Québécois des intervenants en éducation canine (RQIEC) et Mme Isabelle Gauthier, intervenante et spécialiste en comportement canin.
Un règlement qui peine à prévenir
Mme Malenfant, du RQIEC, précise d’entrée de jeu que son organisme, ayant présenté un mémoire lors de l’étude du projet de loi et fait suivre ses recommandations à la ministre de la Sécurité publique, aurait souhaité y voir un souci particulier pour la prévention des attaques. Son organisme juge malheureux d’attendre qu’un chien soit identifié comme potentiellement dangereux avant d’agir.
En effet, pour le Regroupement, la grande majorité des morsures de chiens font suite à des erreurs humaines. D’abord, il faut savoir que l’éducation d’un chien ne va pas forcément de soi. Plusieurs propriétaires ignorent les signaux de détresse, d’inconfort ou d’agressivité de leur animal et n’appliquent pas les bonnes méthodes pour les gérer.
L’idéal, selon le RQIEC, aurait été d’exiger une formation aux nouveaux propriétaires de chiens. Mais devant l’ampleur des ressources qu’une telle initiative aurait mobilisées, Mme Malenfant précise qu’au minimum, on aurait souhaité que le Gouvernement mette un programme national de l’avant, qui aurait pu inclure des capsules d’information, des publicités, etc.
Mme Isabelle Gauthier, éducatrice canine et propriétaire d’Au cœur de votre toutou, abonde dans le même sens : « On attend toujours les dommages avant de réagir ». Selon elle, un cours devrait être obligatoire avant de posséder un chien.
Un problème bien de chez nous
Également, on souligne toujours l’importance de s’attarder au problème concernant la reproduction et l’élevage de masse des chiens au Québec, auquel on fait souvent référence en utilisant le terme « usines à chiots ».
Les chiens provenant de tels élevages développent souvent des problèmes de comportement à cause du milieu malsain dans lequel ils ont vu le jour. Les comportements agressifs des géniteurs sont aussi souvent ignorés et deviennent parfois même un critère de sélection afin d’engendrer une descendance qui présentera les mêmes caractéristiques. À la demande du RQIEC, le ministère de la Sécurité publique et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) devraient poursuivre leurs efforts afin de faire cesser ces pratiques qui seraient toujours très répandues dans la Belle Province.
Évaluer la dangerosité d’un chien
Le règlement d’application qui entrera prochainement en vigueur prévoit que seul un médecin vétérinaire pourra évaluer la dangerosité d’un chien. Les éducateurs canins pourront intervenir dans le processus, mais la responsabilité demeurera celle du vétérinaire. Selon Mme Caroline Kilsdonk, présidente de l’Ordre, il s’agit d’un choix sensé.
D’abord, parce que le titre d’éducateur canin n’est pas protégé. En effet, alors que n’importe qui peut s’improviser éducateur canin et qu’aucune formation n’est encore sanctionnée par le ministère de l’Éducation, il est difficile de présumer de la compétence des éducateurs canins.
Aussi, parce que les médecins vétérinaires possèdent, pour la plupart, les compétences nécessaires pour évaluer le comportement canin et que ceux qui ne les possèdent pas auront l’obligation professionnelle de refuser de le faire.
Finalement, Mme Kilsdonk précise que les médecins vétérinaires ont des obligations déontologiques autant envers les humains qu’envers les animaux, assurant des évaluations neutres et professionnelles.
L’évaluation du vétérinaire sera-t-elle suffisante ?
Pour Isabelle Gauthier, éducatrice canine, les vétérinaires ne sont pas forcément les mieux placés pour évaluer la dangerosité d’un chien. Surtout parce que les agressions arrivent dans des circonstances qui sont difficiles à reproduire dans un cabinet et que le vrai comportement d’un chien s’observe difficilement à l’intérieur d’une clinique vétérinaire.
La force du nombre
Les intervenantes que nous avons consultées sont toutefois unanimes sur un point : le mieux, c’est de travailler en équipe. Un chien agressif doit toujours faire l’objet d’une évaluation médicale afin de savoir si son comportement n’est pas dû à un problème physique. L’expertise d’un vétérinaire est donc incontournable. Mais ce dernier pourra aussi retenir les services de techniciens et d’éducateurs canins en qui il a confiance afin d’approfondir son analyse.
D’ailleurs, l’Ordre organise, dès janvier 2020, une session de formation multidisciplinaire sur l’évaluation de la dangerosité des chiens à laquelle tous les acteurs du milieu sont conviés. Pour l’heure, la participation à cette formation s’annonce exceptionnelle.
Un règlement qui posera d’importants défis d’application
Au-delà de la prévention et des expertises, c’est l’application du règlement qui soulève des inquiétudes. Ce dernier en met beaucoup sur les épaules des municipalités qui, pour la plupart, auront certainement du mal à endosser de telles responsabilités. Ce seront elles qui devront déterminer si un chien pose un risque et qui devront ordonner les expertises, faire appliquer les mesures de prévention et même prendre les décisions quant à faire euthanasier les chiens. Le Journal reviendra prochainement sur ce sujet.