Portrait de Rhéal Fortin

Emma Guerrero Dufour
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Le député de Rivière-du-Nord fait le point

Emma Guerrero Dufour – L’avocat de formation, originaire de Laval-des-Rapides, pense que le Québec «n’a pas besoin d’un tuteur à Ottawa pour lui dire quoi faire». Entrevue avec le député sortant du Bloc québécois qui défend «bec et ongle» le droit du Québec de légiférer dans ses champs de compétence.

Rhéal Fortin a eu un début de carrière politique bien rempli alors qu’il se voyait confier, en 2015, le mandat de briguer la chefferie intérimaire du Bloc québécois, suite à la défaite de Gille Duceppe dans son comté, et ce, en accédant au poste de député pour la première fois.

« J’avais à apprendre le rôle de chef et de député en même temps. J’ai travaillé fort, mais j’ai eu beaucoup de plaisir », confie le militant souverainiste de longue date. « C’est une expérience extraordinaire d’être chef d’un parti politique, on voit les enjeux avec une plus vaste perspective », ajoute-t-il.

Agir pour l’ensemble du Québec

Pour M. Fortin, les enjeux de Rivière-du-Nord sont essentiellement les mêmes qu’ailleurs au Québec. Celui qui habite la région des Laurentides depuis 1992 estime que la circonscription est un échantillon représentatif des préoccupations de toute la province. « Les problèmes des agriculteurs menacés au Québec par le nouvel ALENA1 sont les mêmes pour les agriculteurs de Rivière-du-Nord », cite-t-il en exemple. Le député affirme que la diversité des modes de vie des gens de Rivière-du-Nord, de l’urbanité de Saint- Jérôme à la réalité rurale de Sainte-Sophie, en fait un « écosystème de tous les enjeux ».

Bien que la plupart des interventions du parti concernent l’ensemble du Québec, le député chargé des dossiers concernant la justice au Bloc québécois, assure qu’il ne sacrifierait pas les intérêts des électeurs de Rivière-du-nord au profit des électeurs d’ailleurs au Québec.

Inscription automatique au revenu minimum garanti

Parmi les victoires du Bloc, le député souligne l’adoption en chambre de l’inscription automatique des personnes admissibles au supplément de revenu garanti, un dossier mené par la députée Monique Pauzé. Il soutient que la majorité de ces personnes, à faible revenu et du troisième âge, n’étaient pour la plupart pas informées. « Quelqu’un qui a droit au supplément de revenu garanti a 65 ans n’a pas des gros revenus », explique Fortin. « Il ne se payera pas un comptable agréé pour faire son rapport d’impôt ! », ajoute-t-il, en précisant que l’inscription automatique a permis de régler les difficultés éprouvées par ces personnes à récupérer ce à quoi ils avaient droit.

Une tempête nommée Martine

« On a vécu une année absolument terrible », confie le député à propos de la controverse entourant le leadership de Martine Ouellette et les divisions qu’a connues le Bloc l’année dernière. « Il ne fait pas toujours soleil, parfois il pleut et là, il a plu pendant un an », soupire le député qui avoue que ces bouleversements ont nuit au parti. « On est bien contents que ce soit fini ! »

Une divergence dans la façon de voir le rôle du parti politique avait mené à la scission du parti. « Pour Mme Ouellette, la raison d’être du Bloc n’était pas d’aller défendre les intérêts de nos électeurs, mais de faire la promotion de l’indépendance », résume Fortin, qui a fait partie du groupe de sept députés dissidents s’étant dissocié du parti au printemps 2018. « La façon dont les choses étaient gérées à l’interne n’avait aucun bon sens », ajoute-t-il.

Rhéal Fortin assure toutefois que l’entièreté des députés et militants du Bloc québécois est souverainiste. « Il n’y a jamais eu de dilemme sur le fait qu’on est indépendantistes », assure-t-il. « On n’est pas un organisme voué à faire de la promotion », nuance-t-il, toutefois. « On est des élus. »

À la question de savoir si le parti est désormais uni sur le rôle du Bloc, la réponse est sans équivoque. « À 100 % », assure-t-il, confiant. « On est revenus à une façon de voir plus rationnelle et plus efficace. On est indépendantistes, il n’y pas de doute, mais ce qu’on doit faire c’est défendre le Québec à Ottawa. »

Cap sur l’environnement

« L’environnement est une préoccupation majeure au Québec, on va y revenir en campagne c’est certain », assure le député qui croit que c’est sur cet enjeu particulier que le Bloc pourra rallier la jeunesse. « On parle de survie de la race humaine, c’est loin d’être banal et ça va être une préoccupation majeure pour moi », exprime le député, qui croit que le Bloc québécois est le seul parti en mesure de défendre les intérêts environnementaux du Québec.

« On est pris dans un méchant dilemme : d’un côté on a Justin Trudeau qui achète des pipelines et de l’autre, on a Andrew Scheer qui promet de ramener Énergie Est » estime le député qui dénonce le bilan environnemental du gouvernement Trudeau qui, après la signature de l’Accord de Paris en 2015, a autorisé l’expansion du pipeline Trans-mountain.

Pour le député de Rivière-du-Nord, se retrouver avec un gouvernement minoritaire est le meilleur des scénarios à envisager. « L’idéal pour nous, c’est un gouvernement minoritaire quel qu’il soit, et un Bloc fort pour représenter le Québec » soutient le député qui voit peu de différence entre les conservateurs et les libéraux en ce qui a trait aux bénéfices que pourrait en tirer le Québec. Il soutient que contrairement aux autres partis, le Bloc n’a pas à composer avec les intérêts des maritimes ou de l’Ouest canadien. « Notre job au Bloc Québécois, c’est de défendre les intérêts du Québec », rappelle-t-il.

L’éventualité d’un gouvernement minoritaire permettrait au Bloc québécois de bloquer plus facilement certains projets de loi. « On ne bloquera pas tout, mais on va être en mesure de donner notre appui à ce qui est bon pour le Québec, on va pouvoir négocier notre adhésion à certains projets de loi », explique-t-il, en garantissant que si un gouvernement minoritaire est élu, le Bloc québécois s’opposera à d’éventuels projets de pipeline. « Notre position est claire, on n’en veut pas de pipeline. »

  1. L’Accord de libre-échange nord-américain, connu sous l’acronyme ALENA a été rebaptisé l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).
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