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Les journaux communautaires à l’heure du numérique
Émilie Corbeil – Du 26 au 28 avril dernier se tenait le 38e congrès annuel de l’Association des médias écrits communautaires du Québec sous le thème du numérique. Un événement nous rappelant à la fois l’importance et la fragilité de la presse écrite locale lors duquel le Journal des citoyens a remporté le deuxième prix dans la catégorie « nouvelle ».
La situation des médias locaux
Madame Marie-Ève Martel, journaliste et auteure, a livré, lors de la conférence d’ouverture du Congrès, un témoignage éloquent au sujet de la fragilité et des aléas propres à la presse locale. Suite à la fermeture de nombreuses publications, un constat s’impose : exposés aux tourments du marché, les médias peinent à se maintenir à flots à une époque où le public est de moins en moins désireux de payer pour une information de qualité.
Internet et les « fake news » gratuites
Notre mode de vie actuel faisant en sorte que nous consommons de plus en plus d’information sur internet et de moins en moins en format papier, il est désormais de plus en plus difficile pour la presse écrite de vendre de la publicité. Il faut par ailleurs savoir que la publicité sur Internet est beaucoup moins payante. Les années de vache maigre s’accumulent et plusieurs médias doivent couper sauvagement dans leurs ressources journalistiques, ou alors carrément fermer boutique. Quelques-uns, comme le Devoir, tentent de vendre des abonnements Internet payants. Malheu-reusement, le public est aussi de moins en moins prêt à payer pour de l’information de qualité, y préférant des sources souvent moins fiables, mais gratuites. Ainsi change le visage de l’information dans l’indifférence quasi généralisée.
L’importance de la presse régionale
Madame Martel, auteure de l’essai Extinction de voix : Plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale, a su trouver les mots justes pour exprimer l’importance de la presse régionale. Sans elle, inutile d’espérer que les médias nationaux informeront la population sur ce qui se passe tout près. Chien de garde de la démocratie municipale, le journal local doit faire plus que publier de simples communiqués. Souvent soumis à une forte pression économique et dépendant du bon vouloir des municipalités qui sont généralement ses principaux clients, il est parfois pris à parti comme faire-valoir.
Se taire pour survivre
Journaliste à La Voix de l’Est de Granby, madame Martel a été témoin de dérives à de nombreuses reprises au cours de sa carrière. Suffise parfois qu’un journaliste informe la population d’un problème avec un élu municipal pour que le journal pour lequel il travaille perde les précieuses pages financées par la municipalité. Et sachant bien les risques qu’ils encourent, plusieurs rédacteurs en chef préféreront demander aux journalistes de taire des histoires qui devraient pourtant être mises au jour. Le fait de recevoir le soutien financier de toute la communauté est encore le seul moyen de rendre une information juste et de qualité au public.
Le numérique pour les « nuls »
Survivre, pour un média, est désormais synonyme d’adaptation à la nouvelle formule numérique. Constatant à juste titre que plusieurs journaux communautaires sont peu outillés pour faire face à cette importante mutation, l’AMECQ a pris cette année l’initiative d’offrir des ateliers de formation portant sur la visibilité sur le Web. C’est cette visibilité qui permettra d’attirer davantage de publicitaires, malgré que les parutions écrites, à l’heure actuelle, soutiennent encore financièrement la présence des médias sur internet.
Changer, du format graphique au langage
La popularité, sur Internet, n’est pas gagnée par la seule présence d’un site. Lire ses nouvelles sur son cellulaire étant la nouvelle mode, tout doit changer. Les titres doivent être accrocheurs et le vocabulaire utilisé doit être celui que le lecteur est susceptible de chercher. Le tout doit être bref et très simple, puisque les lecteurs web ont pris l’habitude de lire en diagonale plutôt qu’en entier.
On pourra également choisir de privilégier des sujets et des images qui ont fait la preuve de leur popularité. Une belle femme légèrement vêtue et tout ce qui réfère à la sexualité étant toujours préférable à une photo de zone déboisée, il devient tentant de se dévoyer pour ne pas cesser d’exister.
Ainsi, le problème demeure entier : pour un petit média qui ne sera jamais meneur sur Google, comment relever le défi de la pérennité ?
Encore une fois, c’est la réponse de la communauté qui fera foi d’un verdict de vie ou de mort. Madame Martel, lors de la conférence d’ouverture, a fait remarquer au public que les journaux locaux sont distribués gratuitement depuis longtemps et sont souvent pris pour acquis. Ce n’est que quand ils disparaissent de la boîte postale que les lecteurs réalisent leur importance. Malheureu-sement, au moment où cela arrive, il est déjà trop tard.
Un 2e prix pour une nouvelle de Charles Mathieu
Cette année, le Journal des citoyens a remporté un deuxième prix, cette fois dans la catégorie « nouvelle » pour l’article Un succès de participation écrit par Charles Mathieu, journaliste stagiaire au Journal et étudiant au programme de journalisme à l’UQAM. Il dira de cette reconnaissance « C’est un prix qui, à mes yeux, a une très grande importance. Je recommande aux étudiants souhaitant s’impliquer en journalisme de sauter dans le vide et d’essayer le communautaire. C’est une expérience formidable qui nous en apprend beaucoup plus sur le métier qu’on ne le penserait à priori. »
Depuis 2003, votre journal a fièrement remporté huit premiers prix, six deuxièmes prix et dix troisièmes prix aux différents congrès annuels de l’AMECQ, une association qui, rappelons-le, réunit plus de 80 journaux communautaires de partout au Québec