Bonheur de lecture

Valérie Lépine
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Lire, respirer, s’étonner, s’émerveiller

Valérie Lépine – Lire Ce qu’on respire sur Tatouine, c’est comme découvrir la planète du même nom1. Tout à la fois étrange, intrigant, étouffant, étonnant.

[…] « Le reste de la journée s’écoule doucement. Je pense au gars calciné et aux Ewoks. J’ai apporté une orange caracara. Ouvrir une orange, c’est comme construire une maison ou faire l’amour, ça prend du temps. Je regarde l’heure, je suis en retard dans ma fermeture. J’éteins les lumières et je barre la porte du bureau. En sortant, je croise un papillon qui vole près de mes chaussures. J’ai peur de l’écraser. Je suis un raisin vert. »

Un raisin vert ! ? ! Bon là, c’est carrément étrange. Les premières pages du roman Ce qu’on respire sur Tatouine laissaient présager une bonne dose d’originalité et d’humour, mais le raisin vert de la page 11 m’interloque complètement. Je me demande brièvement si je veux continuer cette lecture. Est-ce que je veux me couler dans l’univers fictionnel unique de Jean-Christophe Réhel ? Bien évidemment que oui.

J’ai choisi de citer le passage du raisin vert parce qu’il a été un point tournant dans ma lecture, mais en le reproduisant, je me rends compte qu’il contient aussi à lui seul la plupart des thèmes abordés dans le roman : le temps qui passe (très lentement pour le narrateur), la fragilité de la vie, la peur de mourir et l’aliénation du travail.

À la relecture de ce passage, je me rends aussi compte qu’une lecture rapide ou superficielle ne ferait pas justice à ce roman où la poésie côtoie souvent le vulgaire. Les passages humoristiques, les multiples jurons que profère à tout propos le narrateur ou les nombreuses références aux icônes de la culture populaire ne doivent pas occulter le fait que l’auteur parvient dans un style bref et ramassé à traduire très habilement la profonde vulnérabilité de son personnage, ses angoisses d’anéantissement ainsi que l’étouffement physique et moral dont il souffre quotidiennement.

Je pourrais ici vous décrire ce « grand attardé » malade, déprimé, angoissé, fauché, mais sauvé par son humour burlesque et ses rêves de grandeur. Mais je ne le ferai pas. À vous de voir si vous avez envie de sauter par dessus le raisin vert et de découvrir la planète Tatouine, une planète imaginaire surprenante.

  1. La planète Tatouine fait partie de l’univers fictionnel de la saga Star Wars. Luke Skywalker y est né.
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