Pascal Tremblay et Cycle météo

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Sylvie Prévost
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Une œuvre singulière que je souhaiterais réécouter

Sylvie Prévost – Création de la nouvelle œuvre de Pascal Tremblay à la salle Oscar-Peterson de l’Université Concordia… quelques réflexions.

Samedi 23 mars 2019 : Orchestre symphonique de l’Isle, direction Cristian Gort. – Pascal Tremblay, Cycle Météo, œuvre pour jazz quartet et orchestre symphonique I. Motif caniculaire, II. Le catabatique, III. Front froid, IV. Accalmie, V. Les aurores. – Pascal Tremblay, saxophone; Sylvain Provost, guitare; Frédéric Alarie, contrebasse; Jean-François Barbeau, batterie.

Les « gens du Nord » peuvent légitimement être fiers de ce fils qui, bravant préjugés et sectarisme, poursuit son chemin dans l’hybridation des genres. Après Lueurs, écrit pour quatuor à cordes et ensemble jazz, voici qu’il récidive avec Cycle Météo, œuvre en cinq mouvements mêlant orchestre symphonique et jazz quartet.

Voilà une œuvre difficile à décrire et dans laquelle il se passe bien des choses. Aussi les lignes qui vont suivre sont-elles un avis tout personnel, fondé sur une première écoute, captivée et surprise.

Chacun des quatre premiers mouvements illustre un phénomène de météorologie, tout en évoquant des émotions ou des situations diverses. Les unes et les autres évoluent de la même façon, s’entremêlent et s’influencent mutuellement.

L’image est parfois claire. Par exemple, on entend une respiration lourde et oppressée dans Motif caniculaire, puis un bel allant dans Le catabatique. On sent une forte tension dans Front froid, comme lorsque la nature gèle sur place. L’Accalmie prend des allures zen devant tout ce qui s’agite plus bas.

Tout en pouvant faire ces parallèles, on est aussi désorienté par cette façon d’écrire de la musique. Il y a de très belles introductions – on pourrait dire que le compositeur expose au début des mouvements de très beaux thèmes. Mais plutôt que de les développer, de les moduler, de jouer avec, comme le ferait un compositeur classique, Tremblay les renverse, les culbute au moyen d’une sorte de chaos. Une menace, une inquiétude sourdent à tout moment de l’harmonie. C’est un chaos organisé, mais un chaos tout de même, qui déstabilise l’auditeur. Il y a des passages pleins de délicatesse, sous-tendus de notes répétées qui inquiètent. Il y a des passages d’instrumentation très aérienne auxquels s’ajoutent graduellement des strates de son, jusqu’à étouffer l’impression de légèreté qu’on avait au départ. On est soudain ailleurs, sans trop savoir pourquoi ni comment, comme emportés par une tornade.

Les aurores échappent à ce tourbillon. Un nouveau jour se lève, « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui » pour citer Mallarmé.

Par ailleurs, la participation du jazz quartet comporte des solos – jazz oblige, parties inspirées et fort bien jouées. Mais le quatuor est le plus souvent fondu dans l’ensemble. L’intégration se fait très bien, mais il ne faut pas y chercher une collaboration équilibrée où l’apport de l’un et celui de l’autre sont bien définis. Il en résulte une mêlée troublante.

Je livre ici les impressions d’un premier contact. D’ailleurs, il semble que l’interprétation ne se soit pas faite sans quelques « modifications imprévues »… Mais voilà certainement une œuvre singulière et intéressante que je souhaiterais bien réécouter. Pourquoi pas ici, dans le Nord? Sur les lieux et dans l’entourage qui l’ont inspirée?

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