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Les modifications législatives laissent place à l’arbitraire
Émilie Corbeil – À partir du 1er janvier 2018, suite à une modification de la Loi sur le traitement des élus municipaux, les municipalités et MRC du Québec étaient en droit de décider, par voie de règlement, du salaire versé aux maires, préfets et conseillers. Le traitement des élus n’est maintenant soumis à aucun minimum ni à aucun maximum. Un autre changement, fiscal cette fois, entrait en vigueur en 2019 : Le Gouvernement fédéral imposera désormais les allocations de dépenses octroyées aux élus municipaux. Un vrai casse-tête quand vient le temps pour les citoyens d’évaluer la légitimité des salaires consentis.
Des augmentations substantielles
Depuis les dernières élections municipales, on constate qu’un peu partout au Québec, les élus municipaux ont généralement répondu aux récentes modifications. Plusieurs conseils municipaux ont donc voté en faveur de règlements augmentant substantiellement leur rémunération. Les multiples variantes dans la déclinaison des rémunérations rendent toute analyse difficile, cependant. Certains élus sont rémunérés pour leur participation à des comités, d’autres pas. Par ailleurs, il est ardu de déterminer la hauteur des augmentations concédées au regard des modes de calcul de l’indexation des salaires prévus aux différents règlements, eux aussi très variés.
À Sainte-Adèle, le salaire de la mairesse a fait un bond de 11 % au début de 2018, par rapport à 2017. Le salaire des conseillers n’a pratiquement pas été augmenté, mais a été assorti de nouvelles primes allant de 1 500 $ à 1 857 $ pour la participation à certains comités. Du côté de Piedmont, le salaire de la mairesse, pour l’année 2019, a été augmenté de 47 % par rapport au dernier règlement en date de 2013. Idem pour celui des conseillers. À Prévost, en 2019, le salaire du maire a été augmenté de 38 % par rapport à 2017. Pour Sainte-Anne-des-Lacs, la situation est toute autre : Une augmentation d’à peine 8 % en 2019 par rapport à 2010.
Un changement fiscal en amènera-t-il un autre?
Si beaucoup d’élus expliquent leurs récentes augmentations salariales par la modification de la Loi fiscale fédérale, les calculs qui ont été faits pour justifier les hausses ne sont pas de nature publique. Considérant que l’allocation de dépenses qui devient imposable en 2019 est d’un maximum d’environ 17 000 $, que cette dernière ne sera imposée qu’au fédéral et seulement partiellement, puisque toute dépense assortie d’une preuve demeure non imposable, il devient difficile de déterminer si la perte financière justifie la totalité des augmentations consenties.
Selon Patrick Lemieux, conseiller aux communications et relations médias à l’Union des Municipalités du Québec, plusieurs hausses ont été concédées en considération du fait que le Gouvernement du Québec risque d’emboîter le pas du fédéral et d’imposer lui aussi les allocations de dépenses. Il est à noter cependant que le Gouvernement provincial n’a jamais fait mention d’une telle volonté et que, si une telle mesure devait être appliquée, les conseils municipaux auraient toute la latitude nécessaire pour entériner un autre règlement afin d’ajuster leur rémunération.
Les critères suggérés semblent ignorés
Tant l’Union des Municipalités du Québec que la Fédération Québécoise des Municipalités ont mis à la disposition des élus des outils dédiés au calcul de la juste rémunération des élus municipaux. Ces derniers tiennent compte de différents paramètres comme la population de la municipalité, son budget, sa superficie, sa valeur foncière totale, le nombre d’employés qui y travaillent et la présence de certains services, partenaires et infrastructures.
Les quelques simulations sommaires effectuées à partir des outils suggérés n’ont pas permis d’établir un lien entre la rémunération consentie à certains élus de la région et les rémunérations jugées adéquates par l’UMQ et la FQM. À ce sujet, Monsieur Lemieux précise que le calcul proposé pour la rémunération n’est qu’une suggestion et que les élus sont libres de la suivre ou pas.
La nécessité d’une juste rémunération
Pour Monsieur Lemieux, il est important de préciser que le monde municipal québécois a grandement évolué avec les années. Le rôle des élus s’est complexifié et leurs responsabilités sont de plus en plus nombreuses, que l’on pense à la gestion des transports et du territoire, de l’environnement ou des finances. Ils sont de plus en plus sollicités par la population qui souhaite bénéficier de la présence d’élus engagés et compétents. Dans les faits, aucun de nos élus n’enregistre de salaire faramineux, surtout si l’on considère leur degré d’engagement.
À ce niveau, le monde municipal a même de quoi s’inquiéter pour sa relève. En ne se donnant pas les moyens d’offrir une rémunération raisonnable, il y a fort à parier que l’on se privera de candidats de qualité.
Justifier, calculer, expliquer
À la lumière de la grande variabilité dont fait l’objet la rémunération des élus municipaux, il y a lieu de se questionner. Surtout alors que les conseils peuvent décider de leurs propres salaires par règlement, et ce à n’importe quel moment. Il appartient plus que jamais aux citoyens d’être vigilants et de requérir les justifications qui s’imposent.
Du côté des élus, tant l’UMQ que la FQM leur suggèrent de rendre publics les calculs et les justifications liées à leur rémunération, faute de quoi, ils s’exposent à la grogne citoyenne. À liberté nouvelle, responsabilité nouvelle.