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Chars
Gleason Théberge – Au Québec, notre vie est depuis longtemps liée aux chars. Gros chars wagons de train, petits chars tramwés de Montréal, avant que l’industrie automobile contribue à les rendre désuets, jusqu’à nos chars de promenade ou de circulation lente aux heures de pointe, équivalents des bagnoles parisiennes. Ce char fait d’ailleurs partie des quelques centaines d’expressions qui ont été conservées du langage gaulois et transférées au latin à l’époque de Jules César, conquérant d’une bonne partie de l’actuel territoire de l’Europe. Ce mot carre, désignait dans l’ancienne France un véhicule à quatre roues où l’on transportait denrées et objets, ensuite appelée charrette et que les Romains ont utilisée à leur tour pour leurs bagages d’envahisseurs et fermer les camps temporaires la nuit. Un usage assez près de ceux des chariots de la conquête de l’Ouest amérindien popularisée dans les films de westèrne.
Après les quatre roues initiales, il a ensuite désigné des véhicules à deux roues tirés par des chevaux, des plateformes de défilé, puis des machines de guerre montées sur chenilles et blindées. Mais le mot a aussi donné naissance au verbe charger, à charette, charrier (transporter, puis exagérer), chariot, carrosse. De même source mais d’une dérivation différente, le mot charrue désignait en Gaule un instrument aratoire muni de roues, puis a nommé l’instrument du labour romain sans roues, appellation qui nous est restée. Chez nous, cependant, sous l’influence de notre usage du char pour véhicule automobile, il arrive que la charrue soit le chasse-neige ouvrant les sillons des routes pour y semer des voitures.
Le terme général véhicule, quant à lui, vient du nom latin vehiculum (moyen de transport), lequel dérive du verbe vehere (transporter), d’où l’on tirera vers 1540 le mot français voiture. Trois cents ans plus tard utilisée dans les papiers officiels, c’est l’expression véhicule automobile qui permettra ensuite le raccourci automobile, puis auto, pour nommer nos habitacles roulants motorisés. On notera à cet égard que quasi prophétiquement, automobile est un terme hybride référant à la fois au grec et au latin. En version uniforme latine, nos autos auraient pu s’appeler des ipsomobiles, comme dans ipso facto (par le fait même); on en grec, des autokinelles ou autokinettes, de kinesis (mouvement), comme dans l’appellation Kino du programme d’aide à la production de courts métrages québécois lancé en 1999.
On notera que l’automobile a aussi donné naissance à l’autobus (1906) en croisant le plus ancien terme d’omnibus (en latin, pour tous) qui désignait un véhicule capable de transporter plusieurs passagers. Ont suivi l’autocar (1910), véhicule confortable permettant de faire de longs trajets; l’auto-école (1925), plus de cent ans après le véhicule lui-même, comme quoi on apprenait à conduire par soi-même; l’automobiliste (1896), parfois immobilisé sur l’autoroute (1928); puis l’auto-stop (1953), qu’au Québec nous appelons le pouce.
J’ajoute, pour l’entendre souvent, qu’on ne porte pas quelqu’un quelque part, mais qu’on le transporte ou le véhicule; et qu’au classique lift offert, on peut préférer parler de voyage, de voyagement ou de transport.