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Gleason Théberge – Certains mots, que notre perception associe ont pourtant des sources différentes. Par exemple, le mot chemin vient d’un mot évoquant déjà un parcours en latin ; alors que c’est d’un mot grec signifiant fourneau que provient cheminée. Après la production du feu, ce dernier a ensuite décrit le conduit d’évacuation de la fumée, puis le globe de verre d’une lampe à pétrole. Nos ancêtres pouvaient ainsi ramoner la cheminée de leur maison et nettoyer dans l’évier la cheminée de leur lampe.
Quant à lui, chemin a d’abord donné naissance il y a mille ans à chemineau, avec une finale semblable à moineau (de la couleur des habits du moine), pour désigner un vagabond (qui prend la couleur des chemins ?). Un cheminot, ce fut ensuite un travailleur qui va de chantier en chantier, puis celui qui travaille à construire un chemin de fer, avant de désigner tous les travailleurs du rail.
En parallèle, le mot route, de même origine que le mot rupture, a d’abord désigné un chemin coupant une forêt. Il y a huit cents ans, c’est déjà selon son sens moderne qu’il s’oppose à la rue, venue du mot ruga, d’où naissent aussi la ride et le rugueux. On peut ainsi avoir l’occasion de parler des vieux visages comme couverts des chemins de la vie. Avec cette nuance, cependant, que rue et sa petite sœur ruelle n’existent que bordées de maisons, en villages et surtout en villes, contrairement à la route étroite de campagne aux abord dégagés.
Comparativement, allée et avenue, bien que venues d’origines différentes, offrent toutes deux l’idée d’un chemin large. Allée vient de l’ambulare latin resté dans les mots déambuler et ambulance. Quant à lui, avenue est né du verbe advenir (arriver), conservé dans l’expression nul et non avenu (jamais arrivé). Et alors que l’avenue peut être sans ornement, depuis deux siècles, le mot allée est utilisé, lui, pour un chemin bordée d’arbres, surtout à l’entrée d’un domaine. En quelque sorte grande allée de ville, le boulevard complète la liste des trois appellations courantes désignant des voies de circulation vastes.
Leur usage varie cependant d’une ville à l’autre, et leur sens n’est évidemment pas toujours respecté surtout quand des avenues et des rues se croisent, comme à New York ou Saint-Jérôme, souvent sans que leur largeur ou la présence d’arbres ne les distinguent les unes des autres. N’empêche, l’espace ouvert de certains chemins permettra de dire qu’on marche sur un boulevard, une avenue, une route; mais le chemin encaissé de la haute surface des maisons fera plutôt dire qu’on marche dans la rue. On dira cependant qu’on habite sur une rue, ou qu’une maison donne sur une rue, un parc, puisque ce n’est pas d’y passer qu’il est alors question.
Et pour la coquinerie de la chose, ajoutons que la petitesse de la ruelle lui a aussi valu de désigner l’espace rapproché entre le lit et le mur d’une chambre. Il y a cinq siècles, à Paris, on appelait dames de ruelles, celles qui recevaient là leurs amis éphémères, alors que de nos jours, aux mêmes amoureuses de métier, c’est la rue qui est laissée, ou le trottoir. Celui-ci les apparente d’ailleurs à des comédiennes, puisqu’à l’origine, le mot désigne le devant de la scène au théâtre. Il est popularisé comme espace réservé aux piétons il y a quatre cents ans en Angleterre, avant d’être adopté en France et dans les Amériques.