Chronique Mots & mœurs

Gleason Théberge
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Village

Gleason Théberge – On parle généralement des villages en les appelant coin, patelin, plus rarement hameau, mais aussi pour désigner un quartier, quand une population particulière habite une zone qui se distingue dans une ville. Plusieurs de ces mots proviennent évidemment d’expressions champêtres et modestes. Ainsi patelin a d’abord désigné un pré pour le pâturage des animaux, avant d’évoquer les humbles demeures des pâtres et pasteurs, mots cousins qui dérivent aussi du verbe paître. On connaît cependant surtout le pasteur grâce au christianisme qui en a fait celui qui dirige la spiritualité d’une communauté. Dans le Québec d’avant la naissance de la fierté moderne, on se souviendra d’ailleurs que l’ancienne fête de la Saint-Jean-Baptiste était l’occasion de processions au caractère religieux. On y voyait un enfant blond qui jouait le berger auprès de moutons. L’effigie du saint patron ayant été détruite en 1969, lors du dernier de ces défilés à Montréal, l’événement a laissé place à ce qui est désormais la fête nationale du Québec, dont le caractère  docile du mouton a disparu pour représenter la dynamique de notre progression sociale. Chaque patelin qui organisait jadis des célébrations davantage catholiques offre ainsi désormais des festivités toujours aussi champêtres, peut-être, mais certes plus représentatives de notre nation.

Le terme concurrent de hameau, né de l’ancien français ham continue cependant de désigner une petite agglomération rurale. C’est pourtant en anglais seulement qu’on retrouve désormais l’expression originale dans des noms comme Stoneham ou Chatham. On la retrouve curieusement croisée en Allemagne avec le mot bourg dans le nom de Hambourg, deuxième ville en importance du pays, qui a produit hamburger à partir d’un mets qu’on y consommait, le Hamburg Steak, devenu international.

Quant à lui, le canton, en langue de Provence, c’est un coin, un bord, un espace restreint, avant de signifier une portion de territoire, aux chemins où travaillait un cantonnier. La cantonnade, c’est ensuite un angle de la maison, puis il s’agira des coulisses d’une scène de théâtre. Parler à la cantonnade, c’est alors comme s’adresser à quelqu’un qui n’est pas sur scène, une manière de parler à tous sans impliquer personne en particulier. Aussi prononcé chant, d’où proviennent nos chanteaux, longues pièces de bois courbées de la chaise berçante appelé berceaux en France, le doublet cant c’est la partie la plus étroite d’une roue, d’un bloc, mais ce que nous en faisons au Québec c’est de l’utiliser comme verbe pour indiquer ce qui penche. Canter, c’est alors cesser d’être debout et droit. Se canter devient une manière de dire que nous nous allongeons pour dormir.

En ce qui concerne le quartier, d’abord quatrième partie d’un fruit, il doit probablement sa naissance à la Lune dont l’apparence est marquée par quatre phases. Au moyen âge, il a désigné la partition en quatre cantons du  blason qui ornait le bouclier d’un chevalier pour le distinguer de tout autre : plusieurs des armoiries de nos Villes en proviennent. Il a ensuite évoqué la zone d’une ville caractérisée par une fonction ou une configuration particulière. Son usage est aussi lié à l’armée ou à la police, pour qui les quartiers sont des logements; et le quartier général, passé dans l’usage courant, est l’endroit stratégique principal d’un commandement, d’une coordination d’intervenants pour une urgence publique ou une organisation politique. Certains en ont suivi le quotidien au cours de la dernière campagne électorale, mais il est habituellement la manifestation d’un drame que personne ne souhaite voir arriver près de chez lui. Avec les changements climatiques, pourtant, nos patelins risquent d’en voir de plus en plus souvent, hélas.

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