Inoubliable

Gisèle Bart
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Trio Trifolia

Gisèle BartPour les amateurs de jazz en particulier, et ils sont nombreux à fréquenter la salle St-François Xavier de Prévost, le concert du Trio Trifolia donné le 19 février dernier sera inoubliable. Ce par une pianiste-compositrice, un contrebassiste et un batteur-percussionniste, respectivement Marianne Trudel, Rémi-Jean Leblanc et Robbie Kuster, lesquels forment ce nouveau groupe.

Les huit opus, 1) Possibilités et limitations, 2) Oui, 3) Deux soleils, 4) La vie commence ici, 5) Steppes, 6) Soon, 7) Trois soleils et 8) Choral, seront toutes des compositions de Mme Trudel. Le spectacle en lui-même sera divisé en deux parties très différentes l’une de l’autre. Une première, méditative, frôlant le mysticisme, baignera dans les eaux douces de la sérénité. Ce qui me fait écrire non pas que c’était un « jazz de femme », non pas, mais que c’était un jazz « soft », un « jazz femme ». La deuxième partie s’avérera plus frénétique, ces deux parties illustrant deux aspects de la personnalité de la compositrice. L’un, volatile et contemplatif, l’autre énergique et tellurique. Quant au jeu de ses musiciens, il saura passer de la délicatesse à l’énergie mais demeurera dans la finesse, tout en retenue et en réserve chez le percussionniste, tout en subtilité souvent chantante chez le contrebassiste. Moderniste sans être abrupt, explorateur, ce fut un jazz dans la lignée de l’innovation, parfois mélodique, parfois non. Mme Trudel nous présentera son contrebassiste Rémi–Jean comme « un extraterrestre » et nous avouera que « c’est la catastrophe lorsque son percussionniste Robbie n’est pas disponible pour l’accompagner ».

Parfois la musique se fera légère et gaie. Il y aura de l’impro à profusion, le jazz n’est-il pas improvisation par définition? Une pièce inspirée par la musique brésilienne, déhanchée comme il se doit, demeurera cependant « blanche de peau ». Un mystérieux battement résonnera jusque dans nos entrailles. Une pièce fascinante sur la préciosité de l’instant présent se finalisera inattendue de frénésie puis, quand même, s’égrèneront quelques notes éparses au piano, semblerait-il la signature de Mme Trudel. Des sons stridents, des sons étranges, venus de baguettes grinçantes sur les cymbales, venus du « steel drum » ( un bel objet), ou perpétrés par la main de la pianiste posée directement sur les cordes du piano viendront parfois nous interpeller. Enfin, avant la pause, une jolie surprise, une belle histoire. Debout, les yeux fermés, Martine jouera un hommage à son grand-père décédé, sur un accordéon d’enfant, rouge sucre d’orge, Cet accordéon, trouvé dans le grenier de ce grand-père, avait été acheté par lui pour ses enfants. Dans ce morceau mélancolique on entendra le vent des steppes s’amuser avec « ce silence qu’elle aime ». S’élèvera une voix pure, sans paroles, celle de Mme Trudel, une impro tout en mystère, doucement scandée par la batterie alors que le zéphyr s’introduira entre les touches et les soufflets du petit accordéon. Un morceau inoubliable.

À la deuxième partie, un grain de folie s’emparera des musiciens qui joueront une pièce complètement disjonctée. À un moment, la pianiste croisera les bras et regardera s’épivarder ses compagnons, amusée. Mais bien vite, elle retournera dans la mêlée, se soulevant du tabouret, le nez au vent, le regard posé dans leur regard. Lequel cédera? L’assistance, participera, applaudira fortement. La dernière pièce bouclera la boucle en revenant à plus doux et à plus mélodique.

Des musiciens attentifs, l’oreille et l’âme tendues aux jeux de leurs compagnons, guettant dans les méandres de leur être quelle réponse montera de leur coeur à leurs mains, un des beaux concerts de ma vie et Dieu sait que je ne les compte plus! Merci à ceux qui ont invité cet ensemble!

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