Être femme, aujourd’hui

Simone de Beauvoir
Salle de Nouvelles
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Françoise Nicolas

Être femme… À plus de 85 ans, c’est avoir la capacité de prendre sa pelle pour déneiger son entrée, de savourer avec la personne qui partage sa vie une soupe fumante aux pois, de confirmer, un jour de fête, à ses arrière-petits-enfants qu’ils ont du talent, de visiter sa meilleure copine au CHSLD et lui témoigner son affection en la coiffant et en la bordant, mais surtout, être femme, c’est féliciter sa fille qui a eu le cran de jeter sa mantille au feu et qui a transcendé l’Acte de foi pour des droits réels comme le droit des Aînés.

Être femme… À plus de 65 ans, c’est avoir la capacité d’écouter de vieux vinyles dans son salon en se demandant, bien secrètement, que sont devenues les anciennes amours, de prendre la voiture et, après avoir bravé les dangers de la 15, répondre aux dernières obligations professionnelles, un temps partiel étiré avant de profiter de son droit à la retraite, mais surtout, être femme, c’est remercier sa mère d’avoir obtenu le droit de vote, d’avoir transmis la Langue et la Culture, c’est aussi rappeler à sa propre fille des droits chèrement acquis pour améliorer la Condition féminine sur les plans intellectuel, financier, affectif, sexuel.

Être femme… À plus de 45 ans, c’est avoir la capacité de s’inscrire dans un gym la première semaine de janvier pour abandonner à la fin du même mois, de commencer une diète draconienne le lundi à 7 heures pour la terminer le vendredi à 17 heures, de rappeler à ses adolescents qui foirent le secondaire, leur droit à l’éducation, mais aussi leur responsabilité attendue, leur participation souhaitée, l’effort à faire, un rêve à quérir comme celui de rendre aux abeilles un habitat sain, d’éduquer la relève dans le but d’embrasser un changement, comme l’égalité des postes et des salaires, la paix sociale, le désarmement, la justice, mais surtout, être femme, c’est rappeler à sa fille de dénoncer, de rester digne devant l’implacable et réductrice opinion de l’autre, qu’elle soit politique, économique, religieuse, culturelle, sociale ou sexuelle.

Être femme… À plus de 25 ans, c’est avoir la capacité d’identifier ses intérêts, en sciences, en lettres, en arts, dans le sport, à l’école des métiers, en tant qu’artisane, de rencontrer l’amitié, l’amour jusqu’à vivre la passion, d’assumer une rupture sans démolir l’autre, d’affirmer son identité en étudiant, en travaillant, en graduant, en faisant du bénévolat, en protégeant ses jeunes enfants et ceux des autres, en créant de nouveaux défis personnels et collectifs, en se projetant dans le monde, en militant pour les droits humains, les droits des animaux, le droit à la nature de respirer, mais surtout, être femme, c’est trouver sa propre voie dans le milieu dans lequel on évolue et déployer sa voix devant la résistance, et pire, devant la régression.

Être femme à plus de 85 ans, à plus de 65 ans, à plus de 45 ans, à plus de 25 ans, c’est de ne jamais oublier que cette femme a gagné des droits, mais aussi, c’est de ne jamais oublier que, pas loin d’elle, un homme a reconnu ses propres obligations.

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