Erri de Luca

Des heures de bonheur de lecture et de réflexion

Louise GuertinJ’ai rencontré Erri De Luca la première fois en lisant Montedidio, roman pour lequel il a reçu le prix Femina étranger 2012. J’ai été séduite par sa manière de nous faire vivre Naples immédiatement après la guerre à travers les yeux d’un jeune garçon de 13 ans, apprenti chez un ébéniste. Il reçoit un boomerang en cadeau et au fil de son entrainement pour apprendre à le lancer, on le voit changer, grandir. Le jeune adolescent nous raconte ce qu’il voit, ce qu’il ressent en courts chapitres qui donnent tout son souffle à ce récit d’initiation.

Ma deuxième rencontre avec l’auteur a été déterminante. Dans son récit Le plus et le moins (Gallimard 2016), il donne en trente-sept courts chapitres des clés pour mieux saisir son parcours d’homme, un atlas pour mieux appréhender son œuvre.  Il nous raconte ses moments de vie marquants, ses observations sur la politique et les hommes dans une langue remarquable. S’approchant de la poésie, sa prose est propulsée par la force des images qu’il distille au fil des pages.  L’écriture est belle et donne envie de revenir en arrière pour relire le même passage, pour le méditer.

Gallimard a publié cette année deux autres titres de l’auteur, Le dernier voyage de Sindbad (écrit en 2002) une pièce de théâtre sur les immigrés, « Passagers de la malchance» et Le cas du Hasard. Escarmouches entre un biologiste et un écrivain. Un échange écrit avec Paolo Sassone-Corsi sur la science, mais surtout sur leur vision du monde.

Difficile de définir l’auteur, il est dans une classe à part. Né en 1950, Erri De Luca publiera son premier livre Pas ici, pas maintenant en 1982. En 1968, il s’engage dans l’action politique révolutionnaire et devient ouvrier. C’est un mordu de l’alpinisme. La nature et la montagne sont des images fortes de sa création littéraire (Le poids du papillon et Sur la trace de Nives)

Son œuvre traduit un profond humanisme et ses préoccupations pour les ouvriers, l’état du monde, pour l’environnement. J’ai beaucoup aimé Histoire d’Irène (2013). Avec en toile de fond la Grèce et la protection de dauphins, l’auteur nous raconte l’histoire d’Irène, petite fille abandonnée sur une plage. Un conte, plus qu’une histoire avec des références à la Bible et à la mythologie, suivi de deux courts récits Le ciel dans une étable, un épisode de la fin de la guerre en Italie pour Aldo De Luca, sous-lieutenant des chasseurs alpins et Une chose très stupide sur la mort d’un vieillard; récit très touchant.

L’auteur parle le français, a appris l’allemand pour mieux approfondir le yiddish. Il dira : « pour donner tort à Hitler ». Non croyant, ouvrier chaque matin, il lisait un passage de la Bible pour l’approfondir.  Dans Au nom de la mère (2006), il nous raconte l’Annonciation et la naissance de Jésus à travers le regard de Marie. Très beau livre sur la maternité. Une réinterprétation poétique et une réflexion sur les Saintes Écritures tout comme dans Et il dit (2011) dans lequel il raconte la fuite d’Égypte de Moïse et de son peuple et la transmission des dix commandements.

Auteur prolifique, De Luca a signé plus de vingt-cinq titres que l’on peut lire en français. Je prévois d’autres rencontres avec Erri de Luca, encore plusieurs heures de bonheur de lecture et de réflexion. Si vous êtes intéressés à en apprendre plus sur l’homme et l’auteur, je vous recommande l’entrevue qu’il a donnée à Diacritik le 25 mai 2016 : www.diacritik.com/…/le-grand-entretien-erri-de-luca-je-suis-partout-comme-un-autre.

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