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Quel Phénomène!
Sylvie Prévost – Musicien peu banal, le guitariste Rémi Boucher laisse son auditoire, dont la critique, pantois sur plusieurs plans…
Rémi Boucher a reçu des bourses convoitées, étudié avec des maîtres reconnus, il est récipiendaire de prix prestigieux, il donne à son tour des cours de maître ou siège au jury de concours internationaux. On s’attend à entendre un musicien grandiose…
Doté d’une virtuosité phénoménale, Boucher semble pouvoir obtenir tout ce qu’il veut d’une guitare. Au point de vue technique, rien n’est à son épreuve. La Chaconne BWV 1004 de Bach, transcrite pour la guitare, est en soi un véritable défi, brillamment relevé pour ce qui est de l’exécution.
Hélas! Exécution est bien le mot qui convient, car une fois dépassé l’aspect proprement technique, nous nous sommes trouvés devant une pièce méconnaissable, un salmigondis de notes dans lequel aucune voix n’est perceptible, aucune émotion ne passe. Le tempo métronomique là où le drame ou l’espoir auraient pu s’exprimer, l’absence de respiration là où on aurait voulu apprécier quelques résonnances, l’accent mis sur les notes d’accompagnement plutôt que sur la ligne mélodique… Boucher semble tout jouer à l’inverse.
Ses compositions souffrent aussi, mais autrement. Au travers quelques très belles images d’eau et de vent, magistralement rendues, on assiste, impuissants, à une logorrhée musicale qui lasse. Le papillon merveilleux affiche peu à peu une ressemblance fâcheuse avec une mite. La valse ne danse plus. Resserrer le propos serait-il envisageable ? Koyunbaba, invitation au voyage s’il en est une, devient un fatras de notes sans réelle cohérence, malgré quelques éclaircies mieux intelligibles. Le moins qu’on puisse dire, c’est que nos imaginaires ne communiquent pas du tout.
Le répertoire de type espagnol lui convient mieux, toutefois. En plus du jeu d’une netteté irréprochable, il a le panache (et la mèche de cheveux passionnée) qu’il faut. Je crois que le flamenco lui permettrait d’épanouir au mieux son incroyable talent. Jacques Marchand, qui a écrit pour lui Quatre éléments dont nous avons entendu Feu¸ semble avoir pris la mesure du personnage. La pièce est sûrement intéressante, elle fourmille d’effets et de techniques difficiles. Mais à l’écoute, le fil conducteur qu’il a dû y mettre manque cruellement.
Un concert où je me suis sentie perdue dans un labyrinthe étrange, en grand danger d’être mâchée par un Minotaure venu d’une autre planète.