La rivière se met à jour

Photo: Alexandra Girad; Rivière du nord
Félix Tarabulsy
Les derniers articles par Félix Tarabulsy (tout voir)

« We treasure what we measure », dit-on en anglais, « nous chérissons ce que nous mesurons », en français. Préparez-vous donc à chérir davantage la rivière du Nord, puisqu’elle dispose désormais de plusieurs nouveaux moyens de nous informer de son état.

Le dicton cité dans le préambule de cet article est particulièrement vrai en ce qui concerne la protection de l’environnement. Plus on a d’information, plus on comprend l’importance de le protéger et plus on sait comment le faire. Il s’agit donc d’une excellente nouvelle quand on apprend que déjà en 2016, le suivi de la rivière s’est amélioré de trois différentes manières.

e Coliminder a été développé par une PME viennoise et permet de mesurer la concentration de coliformes fécaux en seulement 30 minutes.

Photo : courtoise; Le Coliminder a été développé par une PME viennoise et permet de mesurer la concentration de coliformes fécaux en seulement 30 minutes.

48 heures en 30 minutes

La première amélioration est l’arrivée du Coliminder à Val-Morin. Cet engin développé par une PME viennoise permet de mesurer la concentration de coliformes fécaux en seulement 30 minutes, alors que les méthodes alternatives exigeaient entre 24 et 48 heures. De plus, les mesures se font en continu sans qu’il y ait besoin d’un opérateur derrière la machine. Il en résulte donc que cet appareil produit une quantité impressionnante d’information sur les niveaux de contamination fécale dans le lac Raymond. Ces informations pourront éventuellement servir à identifier la source de contaminations et la manière d’y remédier. Le Journal traite du Coliminder en plus de détails dans l’article « Le lac Raymond à son meilleur ».

10 stations de plus que l’an passé

En second lieu, Abrinord, l’organisme responsable de la gestion intégrée du bassin versant de la rivière, a annoncé ce printemps que le nombre de stations d’échantillonnage suivies grimpe à 44, dix de plus que l’an dernier. Ces stations sont les endroits où, une fois par mois, l’organisme échantillonne la rivière pour obtenir des informations telles que la concentration de coliformes fécaux, de phosphore et de matière en suspension.

Ces nouvelles stations permettront d’avoir un suivi plus précis du bassin versant. Certaines stations se trouvent sur des cours d’eau qui n’ont jamais été échantillonnés jusqu’à présent. Cela permet donc d’avoir un champ de vision plus large sur l’état des eaux du bassin versant. D’autres stations ont été ajoutées sur des cours d’eau qui étaient déjà suivis par l’organisme. Celles-ci serviront à identifier avec plus de précision les endroits où se trouvent les problèmes. Par exemple, Abrinord sait déjà qu’il y a des problèmes sur la rivière Doncaster sans tout à fait savoir jusqu’où ce problème s’étend et d’où il vient. Une station a donc été rajoutée sur cette rivière afin d’identifier avec plus de précision la localisation du problème.

Rattraper le retard

Notons cependant que les stations ajoutées ne sont pas toutes nouvelles. Quatre d’entre elles sont en fait d’anciennes stations pour lesquelles le suivi a été interrompu en 2015 pour des raisons de financement. Deux d’entre elles (les stations 13 et 15) étaient notamment financées par la Ville de Saint-Colomban qui a décidé, l’an dernier, de retirer sa contribution. C’est aussi en 2015 que la MRC de Rivière-du-Nord a retiré son soutien à Abrinord, à la suite d’un conflit entre le maire de Saint-Colomban, Jean Dumais, et le président du CA d’Abrinord, Xavier-Antoine Lalande, qui est aussi conseiller dans cette même ville. Ces évènements ont été rapportés par Valérie Lépine du Journal dans l’article « Retrait de la MRC RdN d’Abrinord », de l’édition du 19 mars 2015. Ce conflit, qui n’a pourtant rien à faire avec Abrinord, a donc engendré la cessation du financement de la MRC et de la ville de Saint-Colomban.

Entre temps, il n’en demeure pas moins vrai que Saint-Colomban est aujourd’hui la seule municipalité riveraine à la rivière du Nord qui ne finance pas de station d’échantillonnage pour Abrinord. Pendant une année entière, aucun suivi n’a pu être effectué à ces deux stations. Difficile de savoir l’état d’un cours d’eau quand on n’en connaît pas l’état. Heureusement, l’interruption du suivi n’aura duré qu’un an puisque la ville de Mirabel prend dorénavant le relais et assure le financement de ces deux stations.

Passer du flotteur à l’enregistreur

Finalement, c’est aussi cette année que l’enregistreur électronique de débordement (EED) est devenu obligatoire. Jusqu’à tout récemment, les EED étaient optionnels. Donc, pour les ouvrages de surverses qui n’en disposaient pas on utilisait simplement la méthode du repère visuel. Cette méthode consiste à installer un objet pouvant flotter dans l’ouvrage de surverse. Lors de débordement, l’objet se déplaçait et l’on pouvait enregistrer le débordement. Le problème avec cette méthode est que ces ouvrages sont visités une seule fois par semaine. Donc quand on voit que le flotteur a été déplacé, il est impossible de savoir s’il y a eu un débordement ou dix débordements. Similairement, il est également impossible de connaître la durée du débordement. Une minute ? Quatre heures ? Le signal du flotteur est le même, pourtant la conséquence pour la rivière est très différente.

Heureusement, depuis le 31 décembre 2015, tous les ouvrages qui ont enregistré un débordement depuis 2011 doivent obligatoirement être équipés d’un EED. Il sera donc maintenant possible de connaître le nombre exact de débordements, leur durée en minutes et le moment exact où ils ont eu lieu. Toutes ces informations sont automatiquement transmises à la municipalité responsable de l’ouvrage en question. Cela permettra un diagnostic beaucoup plus précis de la qualité du réseau de collecte des eaux usées des municipalités de la région.

L’information pour tous

M. Alain Saladzius de la Fondation Rivières

M. Alain Saladzius président de la Fondation Rivières

Toutes ces nouveautés seront utiles pour mesurer la rivière, mais il faut également savoir rendre l’information accessible. Notons d’abord l’important travail que fait Abrinord pour cela. L’organisme rend accessible sur son site Web une quantité impressionnante de données concernant toutes les stations d’échantillonnage. On y retrouve aussi une carte interactive identifiant tous les milieux humides de la région… assez impressionnants.

Autrement, M. Alain Saladzius de la Fondation Rivières croit qu’il serait possible de rendre accessible aux citoyens l’information recueillie par les EED. « On aimerait qu’il y ait une application sur les téléphones qui alerte les gens dès qu’il y a des débordements », dit-il, « on en est là, d’ici quelques années ce sera disponible ». En effet, la contamination fécale est généralement beaucoup plus élevée à la suite de débordements d’eaux usées. Être informé instantanément du débordement d’un ouvrage à proximité permettrait à tous d’éviter des contacts dangereux avec des eaux contaminées. Les données ne seraient donc pas seulement plus complètes et détaillées, mais elles seraient aussi directement mises aux services des citoyens.

print