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Valérie Lépine et Alexandra Girard- C’est une galerie très dénudée qui attend le visiteur ces jours-ci au Musée d’art contemporain des Laurentides (MACL). Les quelques photographies et installations qui composent la nouvelle exposition témoignent des recherches plastiques sur la lumière qu’a entreprises Yann Pocreau. Une démarche artistique quelque peu cryptique mais néanmoins intéressante.
Dès l’entrée, le texte de la commissaire Manon Tourigny présente la démarche de l’artiste. On peut y lire que les œuvres de Pocreau sont le résultat d’une recherche plastique et abstraite des propriétés de la lumière. Sous l’œil de l’artiste, la lumière elle-même est mise en scène – elle devient matière première. Le réel est évacué pour laisser place aux qualités physiques des ombres générées par différents éclairages. Même le noir figure de façon prépondérante sur les tableaux photographiques, puisque pour le photographe «le noir n’est pas l’absence de lumière, mais plutôt une saturation d’informations lumineuses».
Les usages infinis de la lumière
Sur les lieux expose ainsi quelques-unes des œuvres photographiques récentes de Yann Pocreau de même que des pièces exclusives que l’artiste qualifie d’expérimentations, créées à l’occasion de cette exposition. On compte parmi ces essais artistiques une série de photographies monochromes appelées Les couleurs argentiques et Variations progressives. Pocreau innove en dévoilant, presqu’à l’état brut, des papiers photosensibles qui affichent leur couleur industrielle de départ, mais qui, au fil du temps, changeront d’apparence en réagissant à la lumière. D’emblée, ces photographies semblent vivantes, car elles «absorbent la lumière de l’exposition et elles sont en train de vivre le temps de celle-ci», indique l’artiste.
L’œuvre phare qui signe le point de départ de sa démarche est Cathédrale, datant de 2013. Ce court film, qui présente l’image d’une cathédrale disparaissant graduellement sous les ratures effectuées sur la pellicule, montre comment l’artiste utilise un projecteur 16 mm pour que la lumière de la machine devienne la matière première de sa création. Comme le dit l’artiste lui-même «blanche ou colorée, référant au film, à l’ampoule, puis à l’obsolète charte de couleurs Kodak, ces interventions lumineuses m’ont mené sur de nouvelles pistes, plus exploratoires, plus abstraites».
Ce que le noir contient
Lors du déjeuner-causerie organisé par le MACL, le 5 juin dernier, une visite guidée intimiste en présence de Pocreau a permis aux participants de saisir avec beaucoup plus de profondeur la fascination du photographe pour la lumière et la noirceur «qui contient bien plus que l’absence». Les deux œuvres intitulées Ce que le noir contient sont particulièrement éclairantes sur la démarche de l’artiste. En effet, sur ces deux photographies, seulement les extrémités révèlent un trait jaune ou bleu, car elles ont «tellement été saturées de couleur qu’elles en sont devenues noires», explique l’artiste. Selon Yann Pocreau, Sur les lieux est l’exposition la moins colorée qu’il a élaborée depuis le début de sa carrière, mais elle est loin d’être triste : «Je n’avais pas le goût de parler d’obscurité, je souhaitais plutôt montrer que les images sombres peuvent contenir de la lumière».
Une expo accessible?
D’autres œuvres sont beaucoup moins limpides en terme de signification telle La lumière noire, une installation de deux projecteurs qui, comme l’écrit la commissaire, «font dialoguer deux diapositives noires de manière à créer de multiples variations narratives». Même avec les explications de l’artiste, les participants du déjeuner-causerie sont restés mystifiés par cette œuvre. Pocreau aurait-il franchi là les limites de l’obscurantisme?
En outre, l’exposition très épurée n’offre pas beaucoup d’explications concernant le travail de l’artiste. Plusieurs pièces artistiques auraient gagné à être éclaircies. Pour sa défense, Pocreau déclare que les œuvres peuvent vivre d’elles-mêmes, sans qu’on impose de façon absolue une seule signification possible. «C’est important que les gens se fassent leur propre idée sur les œuvres», ajoute le photographe.
Le musée en transformation
Lors du vernissage du 22 mai, le directeur du musée, Jonathan Demers, a déclaré que l’exposition de Yann Pocreau était le prologue à un épisode de transformation du musée. Depuis le changement de statut de l’institution (le MACL a officiellement été accrédité en tant que musée en mars 2014), la direction réfléchit sur les nouvelles orientations que prendra le musée. M. Demers a donc annoncé en mai un certain renouvellement dans les activités de l’institution. Il y aura notamment création d’une école d’été en collaboration avec le campus de l’Université du Québec en Outaouais de Saint-Jérôme et un projet de jardin communautaire intégrant les personnes marginalisées de la municipalité.
À propos de l’artiste
Yan Pocreau est né à Québec en 1980 et vit actuellement à Montréal. Il est détenteur d’une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’UQAM. Il signe au MACL le deuxième volet d’un projet qui a débuté au Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe et qui s’achèvera par un livre.