Coup de cœur, coup de foudre

Photo Serge Pilon ; Olivier Hébert-Bouchard, piano et Vincent Boilard, hautbois
Sylvie Prévost
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Sylvie PrévostOn n’a pas souvent l’occasion d’entendre le hautbois sans un orchestre qui l’enrobe… Chronique d’une découverte passionnante.

C’est donc à une soirée unique en son genre, et au programme remarquablement équilibré que nous a conviés Vincent Boilard, accompagné d’un fameux pianiste, Olivier Hébert-Bouchard.

Samedi 30 avril 2016 : Coup de cœur pour le hautbois
Vincent Boilard, hautbois et Olivier Hébert-Bouchard, piano. W.A. Mozart : Sonate no 24 K. 376 en fa majeur; F. Poulenc : Sonate pour hautbois et piano; Mathieu Lussier : Romance pour hautbois d’amour et piano, op. 29; J. Steinmetz: Suite from an Imaginary Opera; M. Ravel : Gaspard de la Nuit; A. Pasculli : Concerto sopra motivi dell’opera La Favorita di Donizetti.

Tout d’abord, une sonate de Mozart, écrite pour violon et piano et transcrite pour son instrument par le hautboïste lui-même. Boilard y a déployé un jeu d’une grande élégance, à laquelle a pareillement répondu le piano – presque sans pédale et aux fins de phrase particulièrement soignées. Un plaisir primesautier et printanier. L’échange des thèmes, le partage des phrases musicales commencées par l’un, terminées par l’autre, ont donné l’impression d’une brillante tresse de sons, teintée de lilas. Rassurez-vous… la musique était lilas, non le visage du hautboïste, malgré la longueur terrible des phrases. Par ailleurs, la palette de volumes sonores que peut livrer l’instrument est un aspect que Boilard exploite très bien et qui m’a surprise.

La sonate de Poulenc n’a rien non plus de statique dans la variété des nuances expressives. Tour à tour tendre, dramatique et dévastée, discours haché, agressif, puis lyrique, elle est pleine de contrastes. Parfaitement d’accord dans la représentation et dans la maîtrise, le hautbois a bien campé ses personnages et le piano a laissé entendre à lui seul tout un orchestre.

A suivi une romance, évidemment plus légère et facile à entendre. Comme le hautbois d’amour y porte bien son nom! Une sonorité veloutée, au grain plus boisé que le hautbois ordinaire.

La pièce de Steinmetz a été pour moi une belle découverte. Prenant le contrepied des opéras classiques, dans lesquels une situation stable est interrompue par une succession de drames, elle commence dans le tourbillon fou de notre monde pour finir dans la transcendance, après la simplicité et la tendresse d’un passage que je qualifierais de « retour à la maison ». Le hautbois est décidément un protagoniste auquel on peut s’identifier, avec ses inflexions et son registre très près de la voix humaine… quoique les sauts d’octave, redoutables, aient été réalisés par Boilard aussi facilement qu’un saut de chat.

Parlant de félin, Hébert-Bouchard n’a pas été en reste dans le Ravel qui a suivi. Beaucoup de souplesse dans son jeu, très bon senti de l’instrument qu’il avait sous les doigts – surtout qu’on sait qu’il n’a pas pu le toucher avant le concert. Ce Gaspard parfaitement grinçant nous a transportés dans un monde d’un onirisme inquiétant.

Les deux musiciens ont brillamment conclu ce concert par une pièce pleine d’esprit de Pasculli, écrite d’après un opéra de Donizetti. On eut dit que le hautbois jouait au bolo… printemps oblige? Voilà qui a insufflé un peu d’humour dans cette démonstration de virtuosité, chose qui trop souvent fait pousser des oh! et des ah!, mais qui reste plutôt stérile.

Merci aux musiciens pour cette belle rencontre!

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