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La Fondation Rivières, chien de garde dans la défense des rivières depuis son incorporation en 2002, a publié le 8 mars dernier un communiqué de presse faisant état d’un nombre encore très élevé de débordements d’eaux usées non traitées dans la rivière du Nord.
Depuis quelques années, la Fondation Rivières s’applique à colliger et à analyser les données disponibles1 pour produire un portrait du niveau de pollution dans les rivières québécoises. Ce bilan est, entre autres, issu de l’analyse de la performance des 18 stations d’épuration des eaux usées bâties sur le cours de la rivière du Nord.
Des stations d’épuration perfo£rmantes
Ces données ont d’abord permis à la Fondation d’affirmer que « la performance épuratoire des stations de traitement […] s’avère excellente pour l’ensemble des municipalités. On note que les travaux d’augmentation de la capacité d’assainissement réalisés à Sainte-Agathe-des-Monts, après un jugement de Cour, ont permis de réduire de façon notable le nombre de débordements à 66 en 2015 (dont, malgré les travaux, 25 surverses au déversoir Brissette) alors qu’ils atteignaient 241 en 2013. »
Mais un nombre de surverses inquiétant
Mais du même souffle, la Fondation déplore que les « débordements2 d’eaux usées non-traitées se poursuivent allègrement dans le fleuve et les rivières, particulièrement dans la rivière du Nord […] ». Elle déclare qu’aucune amélioration perceptible n’a été observée au cours des quatre dernières années quant au nombre de débordements d’eaux usées non traitées.
On remarque ainsi que les villes de Saint-Jérôme, Sainte-Adèle, Mirabel et Lachute entre autres n’ont pas réussi à diminuer substantiellement le nombre de déversements d’eaux usées non traitées au cours des dernières années.
Par exemple, à la station de Mont-Rolland à Sainte-Adèle, il y a eu 119 surverses en 2015 et on a calculé que 22 fois durant cette même année 60 % des eaux usées ont débordé dans les égouts pluviaux. Ces chiffres étaient de 26 fois en 2014 et de 29 fois en 2013. En comparaison, les villes de Saint-Sauveur et de Prévost ont enregistré 9 et 5 surverses respectivement en 2015.
La situation de Saint-Jérôme est aussi préoccupante. Selon la Fondation Rivières, « à Saint-Jérôme, nous avons même comptabilisé plus de débordements sur la période 2012-2015 que dans notre étude précédente (2008-2011). Au total, 367 surverses ont eu lieu en 2014, dont six par temps sec, ce qui est illégal en vertu de la réglementation [Règlement sur les ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées]. Il y a eu 313 débordements en 2012, 314 en 2013 et 344 en 2015. Les eaux ont débordé à presque chacun des 45 points de débordements existants. De plus, en moyenne, une dizaine de stations ne respectent pas les exigences gouvernementales. Enfin, de deux à quatre stations débordent plus de 20 fois par année. » La Fondation émet l’hypothèse que les résultats obtenus à Saint-Jérôme seraient, entre autres, dus à l’important développement urbain de la municipalité qui surcharge les canalisations déjà en place.
Les commentaires d’Abrinord
Rejointe par téléphone, Isabelle Marcoux, de l’Organisme de bassin versant de la rivière du Nord (Abrinord), affirme avoir reçu les données de la Fondation Rivières et a déclaré qu’Abrinord connaissait déjà les sources de pollution problématiques de la rivière. Cet organisme qui œuvre à l’implantation de la gestion intégrée de l’eau sur son territoire a en effet noté que les villes de Saint-Sauveur et Saint-Jérôme avaient enregistré des débordements par temps sec en 2015 (ce qui, tel que déjà mentionné, est interdit par le MDDELCC). Saint-Jérôme serait déjà au fait de la situation et, pour y remédier, aurait, entre autres, adopté une politique pour diminuer la consommation d’eau sur son territoire.
Des solutions préconisées
Pour diminuer la pression sur les usines d’épuration, la Fondation Rivières et Abrinord préconisent une gestion différente des eaux pluviales. Actuellement, le développement des villes favorise l’imperméabilisation des sols et le ruissellement des eaux de pluie vers les canalisations municipales.
L’implantation de toits verts, la redirection des gouttières vers les terrains et les stationnements qui favorisent la percolation de l’eau plutôt que son ruissellement sont des exemples d’actions à poser qui pourraient entraîner l’infiltration d’eau de pluie vers le sol plutôt que son acheminement vers les égouts.
- Ces données sont tirées des Suivis des ouvrages municipaux d’assainissement des eaux (SOMAE) compilés par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques.
- Les débordements font référence aux déversements, ou surverses, d’eaux usées non traitées dans les égouts pluviaux qui surviennent lorsque la capacité des égouts sanitaires est insuffisante pour accueillir le volume d’eau à traiter, par exemple en cas de pluies exceptionnelles ou de fonte des neiges. En cas de surverse, les eaux pluviales de même qu’une partie des eaux usées non traitées s’écoulent vers le cours d’eau récepteur, la rivière du Nord dans le cas présent.