De la guitare comme on n’en entend rarement

Thierry Bégin-Lamontagne
Sylvie Prévost
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Sylvie Prévost – Vous vous souvenez d’E.T., le héros de Spielberg ? J’ai entendu un guitariste qui ales doigts aussi longs et aussi magiques… mais rosés et  moins croches! 

Thierry Bégin-Lamontagne est celui dont je parle. Il n’en est pas à sa première visite chez nous, mais c’est toujours un plaisir de l’entendre. Ce 30 janvier dernier, il a d’abord joué deux sonates de Scarlatti, originalement écrites pour clavecin, mais transcrites pour la guitare par lui-même. La première est une magnifique ouverture de concert : un chant humble, fervent et tendre. La seconde, beaucoup plus dansante et prise à une vitesse vertigineuse, donne tout de suite une idée des capacités du musicien. Les phrasés respirent, les volumes sont parfaitement dosés et l’interprète joue avec les timbres de façon magistrale. Dans les deux cas, toute la délicatesse, le cristal de Scarlatti est intact et sa musique sort magnifiée par la palette des nuances du guitariste. Il existe plusieurs transcriptions de ces pièces, mais aucune ne me paraît en avoir autant extrait le sel.

La suite de la première partie est restée axée sur la virtuosité.  La pièce de Molino permet d’apprécier de nouveau le travail sur les timbres – plus velouté, plus sec, plus nasillard, comme Bégin-Lamontagne l’a lui-même expliqué. En outre, ici et dans le Guiliani qui a suivi, les changements de couleur et le ciselage précis des voix – la principale résonnant alors que les secondaires restent en arrière-plan, relèvent d’une compréhension profonde de ce qui est joué. Guiliani a respecté les vocalises redoutables de la  musique de Rossini. Elles se font ici sans concession, autant dans la voix principale que dans l’accompagnement. Pareil traitement est appliqué à la Grande Sonate de Paganini. Heureusement, la musicalité ne s’absente jamais. C’est bien, la prouesse technique, mais des effets qui ne signifient rien laissent l’auditeur froid après qu’il se soit exclamé quelques fois.

La pièce de Domeniconi, Koyumbaba,  est marquante à cet égard. D’inspiration turque, on y voit de hauts plateaux désertiques, on y ressent la solitude d’ un paysage minéral, on appréhende une culture différente qui pourtant nous rejoint. Les différents plans sonores qu’exploite le musicien en font une merveille d’interprétation. J’aurais bien aimé qu’il exploite davantage un répertoire émotionnellement plus riche, plus intérieur. La prochaine fois peut-être ? Car il reviendra…

Artiste d’une grande simplicité, d’une immense musicalité et d’une virtuosité étourdissante, Thierry Bégin-Lamontagne est un «prophète» méconnu en son pays… Ne laissez pas ce dicton régner. Courez à son prochain concert ou écoutez-le sur cd (www.thierrybeginl.com). Vous en serez enthousiasmé!

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