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Le 21 novembre, à Prévost, ce fut au tour de Lucille Chung de nous éblouir, une pianiste prodige qui se produisit à l’âge de dix ans avec l’Orchestre Symphonique de Montréal, qui, en 1989, fut invitée par maestro Charles Dutoit, directeur de cet orchestre, comme soliste pour une tournée asiatique et qui, la même année, remporta le prestigieux Premier prix du Concours international de piano Stravinsky.
Je qualifierais d’audacieux le concert de ce soir-là, tant dans le choix des pièces au programme que dans leur exécution. Même le choix de sa tenue était audacieux et brisait les normes, une robe splendide qui compensait par un brin de folie pour la réserve naturelle de celle qui la portait.
Mme Chung débuta son concert par une œuvre de Schumann, « le Romantique des Romantiques », celui qui disait que « projeter de la lumière au fond du cœur humain était la mission de l’artiste ». Ce Fantasiestucke Op. 12, une œuvre en huit parties, écrite au moment où les premiers signes de « la nuit de son esprit » avaient commencé à se manifester, est une œuvre où la tristesse et la vivacité alternent en permanence, lesquelles Mme Chung a su traduire de par son jeu intelligent et sensible tout à la fois, prenant le temps de bien vivre la musique et de la laisser nous envahir.
Deux Poulenc, puis ce fut la pause. Ce qui allait suivre fut costaud, une pièce en onze parties de György Ligeti, ce compositeur dont Mme Chung enregistra l’Intégrale et pour laquelle elle obtint des notations dithyrambiques. Ligeti est un compositeur du XXe siècle qui se consacra, entre autres, à la musique sérielle caractérisée par l’atonalité, conséquence de l’utilisation des douze degrés de la gamme chromatique occidentale. L’œuvre choisie, Musica Ricercata, est une œuvre audacieuse par excellence dont l’absence de repères peut donner l’impression excitante et angoissante tout à la fois de se promener dans une forêt inconnue sans repères ni boussole. Une œuvre dont la violence et les notes obsédantes étaient tout à fait en accord avec les Beyrouth et les Paris de ce fatidique automne 2015. Dans cette forêt, Mme Chung a su nous entraîner au-delà des émotions dans un monde spirituel. Après cette pièce d’une difficulté extrême, jouée comme toutes les autres sans partitions, le Prokofiev nous parut plus léger, mais non sans véhémence. La même énergie, les mêmes impressionnants roulements et grondements, la marche pénible d’un Andante, puis une finale toute en vivacité, une course effrénée des doigts, une envolée vers la Joie.
Un rappel fut obtenu de Mme Chung après plusieurs saluts, un Scriabine dont la douceur se répandit sur nous comme un baume après l’expression de tant de souffrance et de combats. Un Scriabine mystique, en recherche du divin en nous.