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Le 27 novembre dernier, le virtuose de la guitare, Jesse Cook, était de passage à Saint-Jérôme, une présentation En Scène. Un spectacle majoritairement instrumental, qui a ravi ses fans, très fidèles, et on comprend pourquoi. Quiconque aime la musique, et particulièrement la guitare, se doit, s’il en la chance, de voir ce musicien sur scène. Et ceux qui ont le bonheur de vivre cette expérience n’aspirent souvent qu’à une chose, la revivre!
Pour la petite histoire, Jesse Cook est né à Paris, mais a habité à Toronto dès l’âge de trois ans. L’artiste de 51 ans est reconnu pour son style qualifié de nouveau flamenco, mais surtout pour avoir enregistré ses huit albums précédents à l’étranger, comme au Caire, à Cuba, ou encore en Colombie, avec des musiciens locaux. Pour son neuvième album, intitulé one world, du même titre que la tournée, Jesse Cook est allé… chez lui. « L’aventure ne consistait pas tant à aller quelque part », précise-t-il à propos de cet album qu’il compare à un arbre gigantesque et très ancien (d’où la pochette du disque). « Il s’agissait plutôt de montrer que nous vivons tous dans le même monde. Si on recule assez loin dans le temps pour avoir une vision globale de la musique, on s’aperçoit que tous les styles sont un peu comme les branches du même arbre. Ils sont tous rattachés au même tronc commun, qui remonte à des temps très lointains. »
« Par exemple, ma façon de jouer de la guitare est un hybride : j’ai commencé par jouer de la guitare classique quand j’étais jeune, ensuite j’ai étudié le flamenco, puis encore plus tard, le jazz. Donc, dans mon historique musicale, il y a trois racines. L’une d’elles est la rumba flamenco, qui elle-même, est un hybride des années 1800, quand les marins espagnols ont ramené ce son de Cuba. Et me voici 150 ans plus tard, qui mixte cette musique avec la musique contemporaine. » En effet, le flamenco, le classique, la rumba, la musique du monde, la pop, le blues ou le jazz se retrouvent tous dans le travail créatif de Jesse Cook.
Pour la tournée one world, Jesse Cook nous offre un mélange parfait entre quelques morceaux plus récents tirés de l’album du même nom, et ses classiques tant attendus. À le regarder jouer de la guitare, les morceaux les plus compliqués semblent si simples! On retrouve sur scène les fidèles musiciens ayant accompagné Jesse Cook lors de précédentes tournées. Se sont tous des musiciens aguerris, ayant, pour la plupart des albums individuels. Et durant le spectacle, chacun a droit à son solo : Chendy aux percussions, Dennis à la basse, Nicolas Hernandez à la guitare, et Chris Church au violon et au chant. Même si la salle avait une énergie palpable durant tout le show, l’anticipation était à son comble vers la fin, alors que tous attendaient Fall at your feet. Chantée a cappella par Chris, ainsi que Cécilia et Ho Hey, ce fut un moment mémorable. Une écoute accompagnée de fredonnements respectueux a envahi la salle. Le bonheur des spectateurs était complet. La magie opère bel et bien entre Jesse, ses musiciens, et leurs fans. Ils ne font plus qu’un.
J’ai eu l’énorme plaisir de rencontrer Jesse Cook avant le spectacle.
Voici l’entrevue qu’il m’a généreusement accordée.
Une chanson qui te fait sourire? – Une chanson de Lhassa de Sella, mais je ne souvient pas du titre exact.
Une question qui te rend triste? – Ne me quitte pas me tue encore à chaque fois que je l’entends. Les francophones sont excellents pour ce genre de chanson qui vient vous chercher, avec un texte fort et une mélodie simple, mais efficace, dépouillée. Nous, les anglophones, on ne fait pas des chansons comme ça, nous cherchons plus la rime, et rajoutons des effets, il me semble.
Ta chanson préférée? – Quand j’étais petit, et qu’on me demandait quelle était ma couleur favorite, je disais sans hésitation : le bleu. Maintenant, j’aime toutes les couleurs. Petit, pour ma chanson préférée, j’aurais dit : les Beatles, ou quelque chose comme ça. Maintenant, mon choix est vaste et varié, chaque chanson est ma préférée quand je l’écoute. En vieillissant, les frontières s’estompent.
Qu’elle chanson aimerais-tu avoir composée? – Il y en a tellement. À chaque fois que j’écoute une bonne chanson, j’aimerais l’avoir composée. Mais si je ne devais n’en choisir qu’une, ce serait fall at your feet (un morceau du groupe australien Crowded house, qu’il fait en spectacle, chanté par Chris Church, une des préférées du public), car les gens viennent après le spectacle et me félicitent en me disant que c’est une très belle chanson, et ensuite me demande si je l’ai écrite. J’aimerais pouvoir leur dire que oui.
Le premier spectacle auquel tu as assisté? – Le premier show dont je me souviens vraiment est celui d’Andres Segovia. C’est un des meilleurs guitaristes de tous les temps. À l’époque, il devait avoir 76 ans, il jouait sans amplificateur, et il avait des doigts gros comme des saucissons, mais il jouait magnifiquement bien. J’avais dix ans, et je me souviens m’être dit à ce moment-là que c’était ce que je voulais faire, jouer de la guitare comme lui, sur scène, comme métier.
Le premier album que tu as acheté? – C’était un album tel que vu à la télé, probablement funny funky hits, c’était des chansons comiques. C’est drôle ce qui pouvait attirer un enfant de 8 ans à se départir de son argent. Ma sœur et moi, on a beaucoup aimé ce disque. Mes parents, eux, avaient toute une collection de disques, avec les classiques des Beatles, de Joan Baez, etc. Je l’ai découverte un peu plus tard, et je l’ai bien appréciée, ça m’a aidé à forger mon oreille.
Le dernier spectacle auquel tu as assisté? – Connor Gaines, dans un show intimiste d’une quinzaine de personnes à Toronto.
Quel genre de musique écoutes-tu à la maison? – Principalement du jazz, mais du jazz de l’époque de Miles Davis, des années 50-60.
Avec qui souhaiterais-tu partager la scène? – Vincente Amigo, un brillant guitariste espagnol de flamenca.
À quelle époque aimerais-tu vivre? – À l’époque de Picasso et d’Hemingway. Ce devait être une époque effervescente pour les arts.
Je dis ça, quoique, ma première réaction a été de me dire qu’on a jamais été aussi bien que maintenant pour plusieurs aspects. Il y a 50 ans, une femme avait beaucoup moins de droits que maintenant. Être gay était bien moins facile il y a tout juste 30 ans. Le début du siècle devait être intéressant, mais tout dépendait de notre sexe ou de notre classe sociale. Je ne dis pas que c’est parfait aujourd’hui, mais on a accès plus facilement à l’éducation maintenant, ce qui aide.
Dans quel autre pays aimerais-tu vivre? – En France, sans hésitation. Je suis né là-bas, mais je suis revenu au Canada vers l’âge de 3 ans. Je n’y suis pas retourné pendant un long moment, lui préférant l’Espagne. Mais l’été dernier, j’y suis retourné, et je suis retombé en amour avec la France. À un point tel que ma femme et moi, on songe à acheter une maison là-bas.
Si tu pouvais changer une chose pour faire de notre monde un monde meilleur, quelle serait-elle? – Je sauverais l’environnement. C’est un grand besoin. L’environnement touche tout le monde.
Qu’est-ce qui t’inspire? – La vie m’inspire. La musique en soi m’inspire. Je n’ai pas besoin d’autre chose que la musique pour m’inspirer à créer de la musique. Mais la musique n’est pas tout, il y a aussi la vie!
Si l’on devait se souvenir de toi pour une seule chose, tu voudrais que ce soit pour quoi? – Je voudrais qu’on se souvienne de moi comme du père de mes deux enfants, âgés de 8 et 10 ans.
Ce qu’il te reste à accomplir pour être comblé? – Je ne sais pas. Je ne fais pas de la musique avec un objectif précis. C’est ce qu’il y a d’étrange dans la remise de prix pour les musiciens. Pour la plupart, on ne fait pas de la musique pour ça. Je le fais parce que je fais le plus beau métier du monde, et j’ai la chance de ne pas avoir à conduire un taxi pour joindre les deux bouts.
Donc, ce dont j’ai envie, c’est de continuer ma carrière, comme maintenant, en faisant des spectacles avec des musiciens que j’apprécie. Et de pouvoir en profiter!
Merci Jesse Cook!