Petite histoire d’une plante aquatique envahissante – 2e de 3 articles
Le myriophylle à épis

À gauche, une feuille de myriophylle à épi enva- hissant ou Myriophyllum spicatum et à droite une feuille de myriophylle indigène ou myrio- phylle blanchissant (Myriophyllum sibiricum). Source : http://www.zonebayonne.com
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Jean Massé

Rappelons que le myriophylle à épis (MAÉ) est une plante exotique envahissante qui nous est venue soit d’Europe, d’Asie ou d’Afrique du Nord. Aujourd’hui, il est présent presque partout en Amérique du Nord. Ce qui le rend si redoutable c’est sa grande adaptabilité et son grand potentiel de diffusion. Au Québec, il a commencé par élire domicile dans plusieurs lacs de l’Estrie et de l’Outaouais. La région des Laurentides est également touchée et cela ne semble pas vouloir s’arrêter.

Myryophylle à épis envahissant (Myriophyllum sibiricum). Source : http://www.lacbernard.ca/

Myryophylle à épis envahissant (Myriophyllum sibiricum). Source : http://www.lacbernard.ca/ 

Dans son cycle de développement, le MAÉ commence par envahir la zone littorale. Il y prolifère et devient si dense qu’il finit par réduire dramatiquement le nombre des espèces indigènes déjà présentes. Cette domination de la zone littorale par le MAÉ peut se faire en seulement deux ou trois ans selon ce qui a été constaté en Colombie- Britannique. Ainsi, on a calculé dans une aire de 36 m2, colonisée par le MAÉ, que le nombre d’espèces indigènes était passé de 20 espèces en 1987 à 7 en 1990, sans toutefois qu’il y ait d’autres pertes par la suite. En plus de s’installer confortablement dans la zone littorale, le MAÉ a la capacité de coloniser même les zones qui ne supportent pas de plantes locales. On rapporte également qu’il peut s’hybrider avec d’autres espèces et que ces dernières peuvent se propager de façon plus agressive encore. Compte tenu de la biomasse importante qu’il produit, le MAÉ «devient alors une pompe inhabituellement importante de phosphore… [et] a le potentiel de relâcher plus de phosphore dans l’écosystème lacustre que des sources individuelles telles les égouts pluviaux, les sources industrielles et les fertilisants », indique Isabelle Auger du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (Québec, mai 2006) dans une revue de la documentation scientifique sur le sujet.

Il n’y a pas que les plantes indigènes qui sont touchées. On observe également des impacts négatifs dans les habitats des invertébrés (insectes, écrevisses, vers, moules, escargots, sangsues…) et des espèces ichtyologiques (poissons) ainsi que pour le régime alimentaire de la sauvagine (canards, oies). Les causes : les changements physiques et chimiques induits par le MAÉ (luminosité, turbulence et oxygène réduits, augmentation des dépôts organiques…). Dans le cas de la sauvagine, comme elle se nourrit d’invertébrés et de plantes aquatiques, il en résulte un changement négatif dans leur alimentation.

Même les frayères peuvent être touchées, surtout en zone littorale. En effet, on constate que l’accumulation massive de la matière organique provenant de cette plante envahissante peut produire un colmatage des lieux de reproduction de plusieurs espèces de poissons.

Sur le plan socio-économique, le MAÉ qui a envahi un lac produit des impacts négatifs sur les activités humaines, notamment en limitant la baignade, la pêche et les sports nautiques. La valeur des propriétés riveraines peut également s’en trouver affectée et l’attrait visuel du lac diminué.

Dans un prochain et dernier article sur le myriophylle à épis, il sera question des interventions qui ont été réalisées sur des lacs du Québec pour tenter d’endiguer ou, à tout le moins, contenir sa propagation.

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