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Dans le dossier du gaz de schiste, nous entendons beaucoup plus parler des incidents et de la contestation se rapportant au shale d’Utica (vallée du Saint-Laurent et nord de l’État de New-York) ou du shale de Marcellus (sud de l’État de New-York, Pennsylvanie, etc.). On a vraiment très peu d’écho sur ce qui se passe ailleurs au Canada que ce soit dans l’Est ou dans l’Ouest. Les grands médias nous ont à peine fait part du manque d’enthousiasme des Nouveau-Brunswickois en ce qui a trait à l’extraction du gaz emprisonné dans le shale d’Horton Bluff.
Dans l’Ouest canadien, le sous-sol de l’Alberta et de la Colombie- Britannique recèle de grandes quantités de gaz naturel. La C. B. vit un boum gazier grâce (…) au shale de Horn River Basin et celui de Montney, un shale partagé avec l’Alberta. Les shales du Colorado Group s’étendent sur une grande partie de l’Alberta vers le sud, jusque dans les terres de la Saskatchewan. Il y aurait 350000 puits de gaz seulement en Alberta et l’industrie projette de faire passer le nombre de puits permis de 4 à 8 (par 1 600 m2).
Des opposants bien organisés
Commentant la vive opposition rencontrée au Québec par l’industrie du gaz de schiste, un représentant des compagnies gazières (Michael Binnion, PDG de Questerre) nous a déjà dit que dans l’Ouest « la population comprenait cette industrie ». Par contre, il n’a pas mentionné qu’il y a là-bas une multitude de cas de contamination d’eau et que les opposants et les groupes d’opposants sont présents et fort bien organisés.
Prenons le cas de Jessica Ernst, une biologiste et consultante en environnement pour l’industrie gazière et pétrolière qui habite à Rosebud en Alberta. Elle a été une des premières personnes à critiquer publiquement la méthode de fracturation hydraulique et son lot de cas avérés de contamination d’eau potable. Là-bas, on compare Jessica Ernst à Erin Brockovich(1) pour son combat du genre « David contre Goliath ».
Du gaz dans l’eau
En 2004, le puits artésien de Mme Ernst a été contaminé suite à la fracturation d’un puits de gaz près de sa résidence. En 2005, la contamination a atteint un point tel, qu’elle s’est mise à avoir des brûlures et des démangeaisons après avoir pris une douche. À la même époque, ses chiens ne voulaient plus boire de son eau, c’est là qu’elle s’est posé de sérieuses questions et, après avoir enquêté, elle s’est rendu compte qu’une quinzaine de puits de sa petite communauté avaient aussi été contaminés. Elle a finalement décidé de rendre l’affaire publique en invitant des reporters à venir constater les résultats de cette contamination entre autres, en allumant l’eau contaminée de son puits (comme on a pu en voir des démonstrations dans le film Gasland ou à l’émission Découverte). Des analyses ont révélé entre autres, de hauts niveaux de méthane et de benzène dans son eau. En plus, grâce à la loi sur l’accès à l’information, Mme Ernst a obtenu les résultats d’analyses faites sur des échantillons d’eau de rejets de fracturation par le ministère de l’Environnement de l’Alberta démontrant la présence de chrome hexavalent aussi connu sous le vocable de « chromium-6 ». De toute évidence, les autorités n’avaient pas l’intention de révéler cette information pourtant cruciale au public. Mme Ernst est convaincue que cette substance fait partie de la recette secrète du liquide de fracturation. Dans une poursuite en cours, elle accuse EnCana(2) et l’Alberta Environment and Energy Resources Conservation Board de négligence et d’activités illégales. (Joyce Nelson, watershedsentinel.ca)
Plus près de chez nous…
L’industrie gazière se dit prête à dévoiler publiquement quelles substances elle injecte dans les puits de gaz de schiste, même si elle admet que les entreprises de service qu’elle embauche pourraient avoir des réticences à le faire. « Nous n’avons rien à cacher », affirme Dave Collyer, président de l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP). Cependant, M. Collyer reconnaît ne pas pouvoir parler au nom des entreprises(3) qui louent leurs services aux producteurs de gaz et de pétrole. Ce sont elles qui conçoivent les techniques de stimulation de puits et qui font les formulations chimiques des liquides de fracturation. Ce sont elles qui, par le passé, ont invoqué, le secret industriel pour ne pas dévoiler ces formulations. (Charles Côté, La Presse, 9 sept. 2011)
(1) Son histoire a été portée au grand écran dans un film éponyme mettant en vedette Julia Roberts. Cette femme s’est battue contre une compagnie californienne (Pacific Gas and Energy) qui avait empoisonné la nappe phréatique de la petite ville de Hinkley en déversant dans la nature des rejets contenant du chromium-6, ce qui avait causé de graves problèmes de santé publique jusque-là inexpliqués.
(2) EnCana est la plus grande compagnie gazière indépendante en Amérique du Nord et la deuxième plus grande compagnie gazière/pétrolière après Suncor au Canada. Cette compagnie a plusieurs bévues à son actif, dont une condamnation à payer une amende de 371 200 $ au Colorado, pour avoir contaminé un cours d’eau.
(3) Halliburton est une de ces entreprises. Elle avait à sa tête, Dick Cheney (vice-président des É. U. sous Georges W. Bush) qui, dès son arrivée à la Maison Blanche, s’est empressé de faire soustraire la fracturation hydraulique des règles du «Clean water act» et du «Clean air act» des lois fédérales qui portent sur la protection de l’eau et de l’air.