La grogne de la population

Odette Morin
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Un groupe d’experts a plaidé en faveur d’un moratoire sur les gaz de schiste, lors d’une séance d’information qui se tenait à Saint-Hilaire le 15 janvier. Entre autres scientifiques qui ont exprimé leur point de vue, Normand Mousseau, professeur au département de Physique de l’Université de Montréal, a affirmé qu’«on a le pire modèle économique de l’Amérique du Nord. C’est-à-dire que c’est au Québec qu’il y aura le moins d’argent qui va revenir dans les poches des vrais propriétaires de ressource qui sont les Québécois ». Présent à cette table ronde, le Dr Robert W. Howarth, professeur/chercheur au département d’Écologie de l’Université Cornell, soutient, depuis un certain temps, que l’empreinte écologique du gaz de schiste est pire que celle du charbon ou que celle du pétrole.

Il y a quelques semaines, nous apprenions que 19 des 31 puits de gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent comportaient des fuites. Cette situation est banalisée par la ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Nathalie Normandeau, qui qualifie même ces fuites de « normales ». Pourtant, ces fuites contreviennent à la loi sur les mines.

Le 10 janvier, la ministre finit par admettre que le gouvernement aurait pu agir autrement dans ce dossier. Elle nous promet de faire une tournée des régions concernées après la sortie du rapport du BAPE. Devrons-nous constater qu’après avoir dépensé quelques millions de fonds publics, les séances du BAPE n’auront été qu’une opération de relations publiques pour calmer la grogne de la population ? Questions sans réponse, improvisation, négligence, cachoteries, ce sont autant de raisons pour prendre du recul et stopper les machines.

Devrons-nous constater qu’après avoir dépensé quelques millions de fonds publics, les séances du BAPE n’auront été qu’une opération de relations publiques pour calmer la grogne de la population?

Le 14 janvier, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a produit un rapport qui recommandait la prudence, tout en avouant son incapacité, faute d’informations pertinentes, à évaluer les risques de pollution atmosphérique et de contamination de l’eau reliés à l’exploration et à l’exploitation du gaz de schiste. L’INSPQ a affirmé que la documentation recueillie jusqu’ici soulève «plusieurs éléments de préoccupation au regard des risques pour la santé». Les auteurs du rapport précisent qu’« il n’existe pas d’étude approfondie sur les effets à la santé reliés à l’eau et l’exploitation du gaz de schiste». Ils affirment aussi que dans la liste des produits utilisés par cette industrie il y a «plusieurs substances chimiques, dont certaines ont un potentiel toxique reconnu et qui pourraient affecter la santé de la population advenant une contamination de l’eau». Pour sa part, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, semble plutôt dubitatif au sujet des conclusions de l’INSPQ. « Je vais prendre connaissance du rapport de l’INSPQ, mais je dois vous avouer qu’ils n’ont pas démontré de problèmes particuliers ».

Par le biais de son attaché de presse, Nathalie Normandeau soutient que la phase d’exploration gazière en cours permet justement d’acquérir davantage d’information. Mais que sont les résidents de la vallée du Saint-Laurent pour madame Normandeau, des cobayes ? Lorsque la ministre des Ressources naturelles s’empresse à les brader pour des « peanuts », que le ministre de la Santé ne semble plus se soucier de santé publique, que les ministres de l’Environnement du Québec et du Canada semblent avoir vendu leur âme aux pétrolières et aux gazières, c’est que nous avons un sérieux problème de gouvernance. À suivre.

Bande dessinée réalisée par Isabelle Neveu ( Journal des citoyens,  janvier 2011)

Bande dessinée réalisée par Isabelle Neveu ( Journal des citoyens, janvier 2011)

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