Notre rivière est-elle en santé?

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Pierre-Olivier Bonin – Il y a déjà quelques années, l’environnement s’est inscrit dans la liste des préoccupations majeures de la « chose publique». La rivière du Nord est devenue le vecteur autour duquel s’activent les acteurs de l’eau. Malgré la volonté affichée d’une majorité de décideurs politiques de s’engager à assainir ce cours d’eau, il subsiste encore plusieurs problèmes.

Tout d’abord, il faut se souvenir des normes environnementales établies par le MDDEP (ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs) en matière de coliformes fécaux: si une eau contient au-delà de 200 UFC (unités formant colonies)/100ml, la baignade et autres contacts directs avec l’eau sont compromis; si l’on dépasse 1000 UFC/100ml, toute activité récréative est à proscrire. Or, on a observé au cours des années d’échantillonnage effectué par différents organismes – et on observe encore – des quantités de coliformes fécaux dépassant largement ces normes à plusieurs endroits de la rivière. Son niveau de pollution a même eu de sérieuses répercussions, notamment l’annulation d’une entente en 2007 entre l’entreprise récréotouristique «Les Excursions Rivière du Nord» et la Ville de Sainte-Adèle qui donnait à la première un droit d’accès à la rivière par un de ses terrains, ce qui stimulait le tourisme; une poursuite engagée par Guy Drouin et l’Association de protection de l’environnement du lac Raymond et de la rivière du Nord contre Sainte-Agathe-des-Monts – qui s’est d’ailleurs soldée par une injonction de la Cour supérieure ordonnant à la Ville de «cesser tout déversement à la rivière du Nord d’eaux usées non traitées ne se conformant pas aux conditions d’opération autorisées du régulateur Brissette». Dans ce jugement du mois de février 2009, on condamnait également le «laxisme persistant de la Ville et du MAM (ministère des Affaires municipales) dans l’application et le suivi des exigences légales quant aux rejets à la rivière du Nord d’eaux usées traitées et non traitées provenant des ouvrages d’assainissement de la Ville».

Toutefois, on notait également la présence d’autres sources de pollution qui affectaient la qualité de l’eau du Lac Raymond, comme quoi l’ensemble des gens d’une région a une responsabilité partagée en ce qui a trait à la qualité de l’environnement. C’est en quelque sorte dans cette même vision que s’inscrit la pensée de Claude Magnan, président de l’Abrinord (Agence de bassin versant de la rivière du nord): « Pour moi, le premier ministère de l’Environnement, c’est le ministère de l’Éducation, de la même façon que le premier ministère de la Santé, c’est le ministère de l’Éducation», allègue-t-il. Déplorant alors le manque d’investissements en éducation, M. Magnan demeure néanmoins optimiste, puisque, tel qu’indiqué dans le Plan directeur de l’eau (PDE) d’Abrinord, déposé au MDDEP en janvier 2008, il y a environ 60000 personnes (sur un total d’environ 158000 personnes habitant le bassin versant de la rivière du Nord) qui s’approvisionnent en eau potable directement dans la rivière, ce qui selon notre interlocuteur est indicateur de la bonne santé de ce cours d’eau.

Cette déclaration peut étonner quand on considère que la ville de Saint-Jérôme a une population d’environ 65000 habitants qui s’alimentent en eau presque tous dans la rivière du Nord, à travers une usine de traitement qui doit rendre propre à la consommation une eau si polluée qu’on ne peut même pas s’y baigner.

Rappelons que l’usine de traitement d’eau de consommation de Saint-Jérôme fait des analyses de l’eau qu’elle puise à la rivière, avant de la traiter. Les données de ces analyses avant traitement, fournies par la division de l’environnement de la Ville de Saint-Jérôme, font état d’une moyenne de 832 UFC/100 ml pour l’année 2009 ainsi que d’une moyenne estivale de 549 UFC/100 ml pour la même année. Le 5 juin 2007, par exemple, il y avait 3700 UFC/100 ml. Notons également que, depuis 2003, les moyennes annuelles dépassent toujours le seuil de 200 UFC/100ml en deçà duquel la baignade est compromise. Cette situation n’est pas limitée à la région de Saint-Jérôme. Selon des résultats d’analyse fournis par BioServices, on trouvait au mois de juin 2009, toujours en termes d’UFC: 200 au pont Gagliési ; 270 à la hauteur du pont de la route 117; 220 au pont Shaw; 270 au pont du Parc linéaire; 360 à la marina du parc de la Rivière du Nord.

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