À la mémoire de la rivière du Nord

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Surprenant, comme on oublie rapidement. Nous sommes en avril et en tant qu’amateur de pêche, je constate que la truite, le brochet et le doré ont une mémoire limitée, tout comme nous humains qui avons tendance à oublier le passé.

Ronald Raymond

Permettez-moi de vous parler de la rivière du Nord, qui jadis eut de grandes lettres noblesse. En fouillant d’anciens documents, remontons au début de la colonisation; votre mémoire se rend-elle aussi loi imaginez que tous les tributaires de rivière Outaouais étaient des rivières à sa mon, et débutons notre récit.

« C’était un beau spectacle au printemps pour la pêche au dard (carpe ou aussi peut poisson de la famille des perches, dit dar perche), de la coulée (gully) Longpré, bas considérable que formait le bassin de rivière à droite du pont central (en haut l’actuel pont  Castonguay). Cette pêche n’était pas la seule fructueuse; à tout le confluent de ruisseaux et au pied de chutes Rolland, on voyait à l’eau haute, forts enlignements de carrelets (filet de pêche). On capturait assez fréquemment maskinongé en quête de carpes de France C’est ce que Joseph Riendeau, ichtyologue de Montréal, avait déjà déclaré  à Joseph Jérôme Grignon, qui lui avait causé d’un récit cher à son grand-père Jean-Baptiste Grignon, et qui lui paraissait trop fantastique.

Le père Jean-Jean, comme on aimait l’appeler, racontait : «Établi à l’embryon de village de Saint-Jérôme, alors appelé « Dumontville »… il avait passé plus d’un dimanche après-midi auprès de la chaussée du moulin seigneurial… à regarder le saumon qui cherchait à escalader l’obstacle. » Non seulement la rivière du Nord était très poissonneuse, mais les cours d’eau qui s’y jetaient l’étaient tout autant. Benjamin Antoine Testard de Montigny se rappelait lui aussi les pêches qu’il faisait dans la petite rivière Saint Antoine : « … il fallait nous voir arriver à la maison avec nos brochettes de poissons pour les préparer et les faire frire ! »

Joseph-Jérome Grignon n’avait pas connu le temps où le saumon remontait la rivière du Nord. Il était amateur de pêche et avait aussi de nombreux souvenirs du temps où les poissons de toutes sortes abondaient autant dans la rivière du Nord que dans les ruisseaux qui étaient nombreux à l’époque.

Adultes ou enfants, tous s’amusaient à pêcher la truite dans les nombreux petits ruisseaux : Desjardins, Lecavalier, Brière, et du grand ruisseau Longpré. Le poisson était si abondant que « le père  Jos Campeau, aubergiste de la chapelle Saint-Antoine, tenait un véritable marché à poissons. »  Le doré se pêchait jusqu’au pied des chutes Sanderson (Wilson), qu’il ne pouvait jamais remonter.

La pêche est devenue avec le temps un loisir. Pour les premiers habitants de la rivière du Nord, le poisson pêché ajoutait de la diversité dans la nourriture quotidienne. Pour eux, c’était d’une certaine manière, une richesse que les générations subséquentes n’ont pu et n’ont su conservé. Le dommage n’est pas irréparable… si seulement nos eaux se dépolluaient.

* Cet article et le premier d’une série sur la rivière du Nord. Le mois prochain, je vous raconterai l’histoire qui a mené au premier ensemencement de 1250 truites brunes par le ministère dans le parc de la rivière du Nord en 1993.

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