- L’arbre dit à la rivière - 22 novembre 2024
- SOCIÉTÉ - 22 novembre 2024
- POLITIQUE - 22 novembre 2024
Bruno Montambault, août 2008 – La plage Morin du lac Raymond à Val-Morin est fermée pour tout l’été. L’entreprise Les Excursions Rivière du nord de Sainte-Adèle a dû déménager à Montréal. Les analyses d’eau du MDDEP* prélevées au pont Gagliési, à Piedmont, démontrent qu’en général tous les usages récréatifs sur la rivière du Nord sont compromis. Ces exemples illustrent très bien que le milieu aquatique de la rivière est pollué et que la santé des citoyens peut être menacée.
Le MDDEP fait un suivi régulier de la rivière du Nord et il fait état, dans le dossier fait saillant 2004- 2006, des pressions de pollution exercées par les municipalités sur cette rivière. Selon ce document, « les exigences relatives aux coliformes fécaux ne sont pas respectées aux stations de Sainte-Agathe-des-Monts et de Sainte-Adèle (secteur Mont-Rolland) ». Questionné sur l’actualité de ce document, Marc Simoneau, analyste du milieu aquatique du MDDEP, explique que la qualité de la rivière du Nord n’a pas changé depuis ces années. On a affaire à une constance dans les données et aux mêmes problèmes de stations des eaux usées construites dans les années 80, pour ce qui est des coliformes fécaux : « Le portrait de la qualité de l’eau pour 05-07 sera le même que pour 04-06 », explique-t-il.
Les usines construites dans les années 80 ont souvent été complétées d’un réseau d’égouts unitaire, c’est-à-dire que sont acheminées dans les mêmes conduites les eaux usées et les eaux de ruissellement. Lorsque ces réseaux d’égouts sont soumis à une forte pression (pour des raisons de pluies intenses, de la fonte de la neige, d’urgence, etc.), ce mélange d’eau est redirigé vers les cours d’eau par des ouvrages de surverse, ce qui entraîne des répercussions bien négatives sur la qualité du milieu aquatique.
Le cas du lac Raymond
Un bon exemple de ces problèmes engendrés par de nombreux débordements serait le cas du lac Raymond à Val-Morin, où le conseil de ville a décidé, en début de saison, de fermer définitivement la plage aux baigneurs. Le directeur général de Val-Morin, Pierre Delage, a dit au Journal : « On sait que la situation n’a pas changé» par rapport à l’année dernière, alors que des analyses d’eau de la rivière du Nord et du lac Raymond avaient forcé le conseil à fermer de façon ponctuelle la plage. La raison donnée par l’Association de protection de l’environnement du lac Raymond et de la rivière du Nord (APELRRIN) est que Sainte-Agathe déverserait de façon régulière des quantités importantes d’eaux usées non traitées directement dans la rivière, sans égard aux exigences environnementales du ministère. Le problème aurait donc trait aux ouvrages de surverse et non à l’usine d’épuration. Car la performance de l’usine, par rapport aux coliformes fécaux à la sortie de l’usine, est assez bonne : elle ne dépasse généralement pas les 2 000 ufc/100 ml. À l’inverse, les débordements du réseau d’égout sont très fréquents : depuis 2001, il y a eu en moyenne 110 débordements d’eaux usées et les deux pires années furent 2006 (161) et 2007 (137). L’APELRRIN a même déposé une requête en injonction à la Cour supérieure afin de stopper ces rejets d’eaux usées.
Le cas de l’usine Mont-Rolland
La situation semble bien pire du côté de Sainte-Adèle, alors que le problème ne provient pas uniquement des ouvrages de surverse, mais aussi de l’usine elle-même. Par exemple, l’année dernière, elle a déversé une moyenne de 23 855 UFC/100 ml, ce qui la plaçait dans le club sélect des 12 usines du Québec affichant des résultats supérieurs à 20 000 UFC/100 ml. En fait, la moyenne depuis les 7 dernières années de l’usine Mont-Rolland a été de 31 291 ufc/100 ml !Les raisons d’une si mauvaise performance sont multiples : 1- il y a absence d’équipements conçus spécialement pour l’abattement des coliformes, tel un système à ultra-violets; 2- il y a des problèmes avec les tableaux de contrôle et avec les décanteurs; 3- le ministère a fixé des exigences assez souples pour cette usine de type boues activée, soit 50 000 ufc/100 ml à l’effluent de l’usine. Du côté des ouvrages de sur verse, il y a eu une moyenne annuelle de 253 débordements d’eaux lors des 7 dernières années. Juste l’année dernière, il y en a eu 340, dont 70 par temps sec, ce qui porte à croire que la croissance démographique fait une pression énorme sur le réseau et que les problèmes tardent à être réglés de la part des autorités municipales.
Les Excursions Rivière du Nord écopent
La pollution aux coliformes fécaux engendrée par la ville de Sainte-Adèle est telle que le conseil a du annuler une entente, l’année derrière, entre la ville et Les Excursions Rivière du Nord qui concernait un droit d’accès à la rivière par un terrain appartenant à la ville. Ça faisait 7 ans que l’entreprise avait accès au terrain pour la mise à l’eau de canaux kayaks et mini-rafts, ce qui créait beaucoup de tourisme dans la région. Selon Marc Desgroseillers, propriétaire de l’entreprise, c’est « parce que la ville pollue la rivière » qu’il ne peut plus offrir de service à Sainte-Adèle. Les données du MDDEP au pont Gagliési de Piedmont démontrent nettement qu’il y a un problème provenant de Sainte-Adèle : la moyenne des prélèvements de décembre 2006 à avril 2008 est de 905 ufc/100 ml et les résultats atteignent même les 2 200 ufc/100 ml. Ce sont donc les citoyens amateurs de sports aquatiques et une entreprise locale qui écopent. Malgré ses déboires, monsieur Desgroseillers espère revenir dans la région : « J’ai toujours l’intention de continuer d’offrir mon produit dans les Laurentides ».
*Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs.