Si polluée qu’on devrait y interdire le canotage

Michel Fortier
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En septembre dernier Mme Labelle de Prévost témoignait dans une lettre ouverte aux journaux, de sa grande préoccupation relativement à la  pollution importante de la rivière du Nord. Les résultats d’analyse d’un prélèvement d’eau, daté du  28 juillet 2005, lui ont appris que la rivière contenait 1040 coliformes fécaux par 100 millilitres  d’eau. Elle ajoutait « Je suis grandement préoccupée par cette pollution et ses effets sur la  santé des gens et la faune environnante ». Elle rappelait fort justement que l’eau est impropre à la baignade au-delà de 199 CF/100ml.

Les municipalités ont construit des stations d’épurations dont les opérations sont suivies par le Programme SOMAE (Suivi des ouvrages municipaux d’assainissement des eaux) du Ministère des Affaires Municipales et Régions (MAMR), mais les ruisseaux qui se jettent dans la rivière peuvent apporter des polluants provenant de champs d’épuration ou d’activités polluantes non contrôlées.

On pourrait penser que les exigences du MAMR, en matière de traitement des eaux usées sont objectives, et que par exemple, aucune station d’épuration ne devrait rejeter une eau dont le taux de coliforme fécaux dépasserait 4000 ou 2000 CF/100ml d’eau. Mais la réalité est différente, il y a différentes exigences pour différentes usines d’épuration. Dans les Laurentides, le long de la rivière du Nord, nos municipalités utilisent deux types d’usine de traitement : les boues activées et les étangs aérés. Or, il semble que le MAMR ajuste ses exigences de performance en fonction des performances des usines. Comme l’usine de Mont-Rolland à Saint-Adèle n’est pas très performante, le MAMR limite le taux de pollution par CF à 50 000 CF/100ml d’eau, alors qu’il est de 5000 pour Saint-Jérôme et de 2000 pour Saint-Sauveur/Piedmont et Prévost.

Si on considère le tableau suivant il aurait fallu interdire toute navigation sur la rivière à chaque fois que le taux de CF dépassait 1000. En fait, il aurait fallu interdire toute activité récréative durant toute l’année 2002 et plus de la moitié de la période estivale de l’été 2003. Vous le saviez ?

Classification de la qualité de l’eau utilisée pour les usages récréatifs
Qualité de l’eau CF/100 ml      Explication
Excellente 0-20 Tous les usages récréatifs permis
Bonne 21-100 Tous les usages récréatifs permis
Médiocre 101-200 Tous les usages récréatifs permis
Mauvaise Plus de 200 Baignade et autres contacts directs avec l’eau compromis
Très mauvaise Plus de 1000 Tous les usages récréatifs compromis

Permis de polluer !

Quatorze stations ont des résultats supérieurs à 20 000 CF/100 ml. Par mis elles, on retrouve la station de Sainte- Adèle (Mont-Rolland) avec une moyenne de 24 804 CF/100ml.

D’après le ministère, la station de Sainte-Adèle, de type boues activées, ne possède pas de système de rayonnement ultraviolet. Il est donc normal d’avoir des résultats plus élevés en l’absence d’équipements conçus spécialement pour l’abattement des coliformes. Les exigences mensuelles de 50 000 CF/100 ml ont été dépassées un seul mois sur 12 en 2004.

À Sainte-Adèle

Nous pouvons affirmer que l’usine d’épuration Mont-Rolland de Sainte-Adèle n’est pas assez efficace, qu’elle contribue à une pollution inquiétante de la rivière avec un taux de pollution bactérienne de 24804 CF/100ml d’eau et un débit de 6600 m.3/jour, un débit comparable aux villes de Saint-Sauveur et Piedmont réunies. De plus elle ne répond pas à la croissance démographique de cette ville. Pourtant, les opérations de leurs usines sont connues du MAMR, et les sables de filtration chargés d’abaisser le taux de coliformes ne sont plus opérationnels depuis plusieurs années, le dégrillage de matières est grossier et devait être réparé, l’unité de dessablage n’était pas opérationnelle, l’extracteur de boue devait aussi être réparé. Le technicien présent à l’usine m’a dit qu’elle fera bientôt l’objet d’une mise à niveau et qu’un budget a été voté à cet effet. Un système de rayonnement UV, autonettoyant, devrait être installé au cours de l’année 2006 et d’autres aménagements sont prévus. Mais pourquoi avoir attendu si longtemps ? Pourquoi avoir toléré des rejets aussi importants, qui font de Mont-Rolland, une des 14 stations sur 615 au Québec à déverser plus 20000 CF/100ml?

À Piedmont

Une analyse privée de la ville de Piedmont en septembre 2005 montre 1600 CF/100ml d’eau en amont du pont Gagliesi et 340 CF en aval de la station de traitement. Ces informations montreraient que le taux de CF n’est pas nécessairement croissant au passage d’une municipalité, que le taux de pollution en provenance de Sainte-Adèle serait plutôt important, et que les affluents de la rivière n’ajouteraient pas de charge polluante. Pour que ces données soient fiables, il faudrait répéter les analyses périodiquement et pourquoi pas en amont et en aval de chaque décharge des usines d’épurations de toutes les municipalités de Sainte Agathe à Saint Jérôme.

À Prévost

Nous n’avons que les données de rejets de l’usine d’épuration qui montrent un taux moyen relativement bas de 77 CF/100ml et un débit raisonnable de 2866 m3/jour, compte tenu de notre population.

Par contre la ville de Saint-Jérôme qui alimente son aqueduc à partir de la rivière du Nord, s’est plainte, il y a quelques années, au ministère de l’Environnement, des taux élevés de coliformes (15 000 CF/100ml) et de turbidité trouvés dans l’eau de la rivière, un peu après les chutes Wilson. L’enquête du ministère n’aurait pas permis d’identifier la cause du taux élevé de CF, et aurait déterminé que la turbidité tenait davantage de la nature de la rivière que d’une source de pollution : impressionnant! Mais en amont des chutes Wilson il y a Lafontaine, Bellefeuille et Prévost et comme aucune analyse n’y est faite de l’eau de la rivière, il ne serait même pas possible de trouver d’affluents responsables de taux de pollution important. Et puis 15 000 CF en aval des chutes Wilson, c’est ce qui reste après que la rivière ait oxygéné l’eau, ce qui est précisément la méthode utilisée pour détruire les coliformes dans les étangs aérés des usines d’épuration. Quel était donc le taux de CF en amont des chutes Wilson ?

On s’attendrait qu’une rivière reste accessible au loisir tout au long de son cours. Si nous considérons que nous pouvons nous baigner au lac Raymond (à Val-Morin), une excroissance de la rivière du Nord, on s’attendrait à pouvoir le faire aux chutes Wilson. Ce n’est pourtant pas le cas, tout au long de la rivière du Nord, les municipalités et les cours d’eau affluents rejettent des polluants dans la rivière.

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