Chanoine Grand’Maison

Photo: Radio-Canada; Le chanoine Jacques Grand'Maison est mort à l'âge de 84 ans.  
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Un bel esprit témoin de son époque

Marie-Andrée ClermontC’était au lendemain du 11 septembre 2001 – il était interviewé à la radio. Je me rappelle avoir été bouleversée par sa façon de mettre les choses en perspective : retour aux sources bibliques, évocation de la tour de Babel… Ses propos avaient déclenché en moi une façon de réfléchir qui m’aide encore aujourd’hui, après toutes ces années.

Jacques Grand’Maison fut un sociologue, un théologien, un professeur inspirant, un prêtre engagé, un prédicateur éloquent, un analyste éclairé de l’évolution du Québec. Il ne craignait pas de déranger, de défendre ses valeurs ou de proposer un engagement exigeant. Il ne se contentait pas des vérités toutes faites ni ne se méfiait des idées nouvelles : il ne se prononçait qu’après avoir les avoir scrutées sous tous les angles. Ses positions avant-gardistes provoquaient la controverse; son ouverture d’esprit à l’égard des athées déconcertait. C’était aussi un écrivain – il a signé plus de quarante essais, dont plusieurs ont eu beaucoup de succès.

Il a toujours milité en faveur de la justice sociale. Dans la région de Saint-Jérôme, sa patrie et son port d’attache, il se sentait près des travailleurs et de leurs revendications. Ajoutons que les honneurs qu’il a mérités ne lui ont pas fait perdre la tête et qu’il est resté, jusqu’à la fin, connecté aux gens ordinaires.

Il a toujours voulu garder une appartenance à une paroisse, de façon à être en relation avec le vrai monde, car il voulait demeurer pertinent. Jacques Grand’Maison devenait souvent le conseiller, le confident de ses paroissiens. Curé de Saint-Hyppolite pendant de nombreuses années, il appréciait, après la messe dominicale, qu’un petit groupe de fidèles reste sur place pour engager la discussion. « Des moments privilégiés, se rappelle Monique Ducharme, amie de longue date du chanoine. Dans cette demi-heure additionnelle, nous recevions tellement de lui. Il nous parlait de ses préoccupations, de tout ce qu’il remettait en question dans le monde d’aujourd’hui. Il évoquait avec compassion la misère des démunis et des laissés pour compte de notre société. Et comme il savait bien nous écouter à son tour! »

Jacques Grand’Maison avait un grand attachement pour les valeurs familiales, c’était un érudit, un sportif aussi, un être cultivé qui aimait, entre autres, aller au concert. Mais, périodiquement, il avait besoin de s’isoler. Il se réfugiait alors dans un petit chalet situé au Lac à l’Ours, son havre de paix, où il allait prier, méditer, écrire.

Il y aurait tant à dire encore sur cet être exceptionnel, dont la mort crée déjà un grand vide. Mais je lui laisse le mot de la fin dans ce paragraphe à valeur prophétique tiré de son dernier ouvrage – Ces valeurs dont on parle si peu –, rédigé l’an dernier alors qu’il se savait si près de la mort et qui constitue son testament spirituel.

La longue histoire humaine a été marquée d’étonnants rebonds, de peuples et de sociétés aux prises avec des défis jugés insurmontables. Pour nous, le plus grave déficit serait de ne plus croire en l’avenir. Qui sait, il y a ici et maintenant quelque chose de l’utopie d’une nouvelle et plus grande appartenance, celle de la famille humaine.

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