Maurice est encore là

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Marc-André Morin – Je suis né en 1951, Duplessis était notre père à tous, nous ne réalisions pas à l’époque qu’il n’était qu’un autre fasciste des années trente, de plus il se doublait d’un bigot. On pouvait croire à tout ce qu’on voulait à condition que ça vienne de la religion catholique ou des écrits de notre clergé. Dans la tradition de nos bons gouvernements coloniaux, il livrait nos richesses aux étrangers presque sans contrepartie. Les revenus de l’État étaient insignifiants, nous n’avions pas de ministères de la santé ou de l’éducation, ni les moyens d’en financer. La solution de Maurice : tout donner ça à l’Église, qui fournissait déjà les services essentiels minimaux avec le soutien de la population des paroisses.

Le plus bel exemple de solidarité venant des religieux, des milliers de célibataires vivaient dans des communes et maintenaient une bonne qualité de vie. Les terres agricoles qu’ils possédaient les mettaient à l’abri des carences alimentaires et les orphelins rentraient le foin et trayaient les vaches. Dans les Laurentides, les plus beaux sites de villégiature appartenaient aux communautés religieuses. Ils n’étaient pas si riches, mais très nombreux et, en économisant, ils ont parfois réussi à monter des fortunes importantes. Les Sœurs Grises étaient actionnaires majoritaires de compagnies comme Canada Steam Ship Lines.

Pour ne pas être au courant de tous les méfaits de l’Église catholique, il faut avoir passé vingt ans sous une roche ou dans un camp de rééducation en Corée du Nord. Notre solidarité a des origines beaucoup plus nobles. Si une grange brûlait dans un rang à Ferme-Neuve ou Kiamika, c’était un gros party où tous les voisins venaient avec des outils et des matériaux; mangeaient des bines; travaillaient fort et, au coucher du soleil, on clouait les dernières tôles sur la grange neuve. Pour la paye, on se contentait de savoir que le cas échéant nous pouvions compter sur la même solidarité de groupe.

Notre premier ministre, qui sans doute n’était pas pauvre comme je l’étais dans mon enfance, n’a probablement jamais entendu un curé affirmer qu’il y aurait toujours des pauvres et que c’était dans les plans du Seigneur. Ces propos venant d’un homme bedonnant dans la cinquantaine conduisant un Oldsmobile noir qui valait le prix d’un bungalow. À l’époque, ça me laissait perplexe; après soixante ans, je cherche encore le vœu de pauvreté.

Face à l’Islam, le catholicisme supporte mal la comparaison; la Zakat, un des cinq piliers de la religion, fixe même un pourcentage minimal de 2,5% de ses revenus à consacrer aux dons de charité. Les autochtones organisaient des expéditions d’aide humanitaire sur des centaines de kilomètres pour ravitailler un groupe victime d’une catastrophe. Dans les années soixante-dix une vielle dame du lac Saint-Jean m’a racontée comment son arrière-grand-mère à survécu au feu de forêt monstre de 1870 avec du bois d’épave et les tôles de la maison brûlée. La famille s’était construit une cabane primitive, ils commençaient à désespérer quand ils ont entendu des chiens, un groupe d’Innus se sont arrêtés et ont monté une tente et dépecé une cuisse de caribou. Les hommes ont tendu des filets sous la glace et les femmes ont fabriqué des mocassins pour les enfants. 

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