Ukraine depuis l’Europe

Guerre ukraine - journal des citoyens
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Le ressenti en Europe de la guerre en Ukraine

NDLR : Ce point de vue nous vient d’une lectrice assidue du Journal qui réside au Luxembourg. Nous avons pensé qu’il serait intéressant pour nos lecteurs de découvrir le point de vue d’une Européenne dont le trait particulier est d’aimer passionnément le Québec.

Jacqueline Schuh-Rancoule – En ce 2 août 2022, c’est le 160e jour de guerre en Ukraine (elle a commencé, pour mémoire, le 24 février 2022). En 160 jours, il y a eu déjà tant de morts (de part et d’autre) dans ce pays qui ne demandait qu’à vivre le plus heureux possible et surtout à se rapprocher de l’Union Européenne, avec en plus une possibilité d’une adhésion à l’OTAN (l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) : cela a causé son malheur ! À cause de ce despote, mégalomane et paranoïaque, maître du Kremlin, que cela contrariait.

Je voulais juste essayer de vous faire comprendre ce que nous ressentons ici en Europe et plus particulièrement dans un de ses plus petits pays, le Luxembourg, que je pense très privilégié – au moins jusqu’à ce mois d’août dernier – J’y vis depuis plus de 40 ans ; d’origine française, j’en ai acquis la nationalité et comme beaucoup de mes concitoyens, j’y mène une vie tranquille et heureuse.

Pourtant cette guerre, relativement proche de nous, engendre maintenant énormément d’inquiétudes et de questionnements : d’abord l’horreur de tout ce qui se passe là-bas. Et puis l’arrivée massive  – conséquence logique – de tous ces réfugiés. On se trouve, nous, Euro-péens, devant un très gros dilemme : ce ne sont pas des réfugiés comme tous ceux qui sont déjà arrivés des pays les plus pauvres du continent africain. Ces réfugiés ukrainiens ont tout perdu, des proches ont vécu l’horreur, mais en arrivant chez nous, ils parlent déjà presque tous de repartir « chez eux » pour « sauver leur pays et le reconstruire », quoiqu’il leur en coûte ! On veut tous les aider, mais on ne parle pas leur langue (l’ukrainien ou le russe), leur écriture cyrillique si différente de la nôtre empêche beaucoup de communications et c’est très difficile à vivre pour eux. C’est un grand sentiment d’impuissance de part et d’autre, avec beaucoup de difficultés d’intégration, même si elle doit être provisoire (on pense surtout aux enfants, qui sont souvent trauma-tisés).

C’est sûr, on a tous été, ces 21 dernières semaines, pas mal bouleversés dans nos cœurs et dans notre « ex-petite vie tranquille » et cela nous marquera pour toujours. Cela nous oblige à penser tous les jours… aux jours et aux semaines qui viennent et c’est vraiment une grande inquiétude qui règne en Europe, avec de surcroît une menace de guerre nucléaire et de son apocalypse. Bien entendu, beaucoup, comme moi, pensent que c’est un horrible chantage de ce fou furieux qu’est le maître du Kremlin, mais on ne sait jamais jusqu’où ira sa folie ! C’est quelque part une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. La Suède et la Finlande, deux pays nordiques aux portes de la Russie sont encore plus à risques que nous et ont demandé l’aide de l’Europe et la possibilité, pour les protéger, de rentrer eux aussi dans l’OTAN (cela leur a été accordé). Mais que vont devenir la douzaine de petits États tout autour de l’Ukraine (qui faisaient partie avant de « l’Empire soviétique » et qui ont réussi à se libérer du joug soviétique), et qui sont sous la menace permanente maintenant de se faire à nouveau « dévorer » et annexer (comme la Crimée par exemple) par un Poutine qui – et il le répète à qui veut l’entendre ! – ne se satisfera pas d’envahir l’Ukraine, de la détruire, mais qui veut reconstituer le « Grand Empire soviétique d’antan », peu importe le prix à payer.

Ici, la réflexion d’hommes politiques avisés – à laquelle je souscris  – est que la recherche de la paix à tout prix n’est sûrement pas la solution idéale (se rappeler la politique prêchée par Neville Chamberlain — ancien 1er ministre anglais de 1937 à 1940 – qui a essayé, en rencontrant Hitler, avec sa politique « d’appeasement » ou pour nous d’apaisement, et avec les accords de Munich en 1938, d’empêcher la 2e Guerre mondiale. Cela n’arrêta rien, au contraire. Cela aiguisa encore plus l’appétit de destruction d’Hitler !). On risque de se retrouver dans la même situation que durant les années horribles de 1939 à 1945, avec les conséquences que l’on connaît.

C’est donc, encore une fois, un immense sentiment d’insécurité et même d’angoisse qui règne ici en Europe. Et comment savoir où va nous mener la folie d’un homme qui se croit invincible ? Et bien sûr, en plus, pour nous, comme maintenant pour presque toutes les populations du monde (je pense surtout aux Africains), il y a les conséquences matérielles de tous les jours : la famine pour les plus pauvres, la difficulté à faire face aux prix qui flambent et aux pénuries qui s’installent et puis… jusqu’où cela va-t-il aller ? C’est sûr, dans l’avenir proche, nous restons (presque) tous engagés du côté des Ukrainiens, en les aidant, d’abord dans les différents pays qui les accueillent, et puis après, autant que possible (et sûrement à des coûts faramineux), à commencer dès que possible à reconstruire leur pays et, surtout, en guettant la moindre chance de négociations possibles. La présidente maltaise de l’Union Européenne, Roberta Metsola, a dit : « nous devons réévaluer le rôle de l’Europe, car malheureusement la paix n’est sûrement pas pour demain » (sic), et même en essayant de rester positive, je pense que l’ère de la sérénité est finie pour tout le monde et pour un très long moment, car notre pauvre Europe est comme un immense bateau perdu dans l’immense tempête de l’océan russe !

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