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La règlementation est-elle efficace ?
Émilie Corbeil emilie.corbeil@journaldescitoyens – Si le glyphosate et les néonicotinoïdes sont bien connus du grand public, plusieurs molécules utilisées au Québec demeurent dans l’ombre. C’est le cas de l’atrazine, un herbicide et du chlorpyrifos, un insecticide. Ces deux produits sont désormais, comme les néonicotinoïdes, contrôlés par règlement. Avant d’en faire usage, un agriculteur doit impérativement avoir une prescription de la part d’un agronome, et ce depuis le 8 mars 2018, pour l’atrazine; et le 1er avril 2019, pour le chlorpyrifos.
Un succès instantané
Depuis le 8 mars 2018, les agriculteurs doivent obtenir une prescription, de la part d’un agronome, pour faire usage de l’atrazine. Les agronomes qui émettent de telles prescriptions doivent par ailleurs y apporter les justifications nécessaires.
On apprend, du bilan des ventes de pesticides 2019 au Québec, que la règlementation mise en place a permis de réduire de quelque 84 % les ventes d’atrazine, considéré comme étant le produit le plus dangereux pour la santé humaine et environnementale encore en usage. Par ailleurs interdite en Europe depuis plus de 15 ans, l’atrazine contaminait encore 95,7 % des rivières du Québec en 2017. Cette contamination des rivières et des eaux de surface, dans lesquelles nous puisons la grande majorité de notre eau potable, était alarmante. Toujours en 2017, Équiterre révélait que l’eau des Montréalais et celle des Torontois, comme celle de millions d’autres canadiens, contenait de l’atrazine.
On voit donc comment, simplement en restreignant l’accès aux pesticides, il est possible d’en réduire l’usage de manière drastique. Toutefois, cette règlementation, émise par Québec, faisait écho à la décision de Santé Canada qui, en 2017, faisait le choix de ne pas interdire l’atrazine. Si telle interdiction avait été émise, on aurait diminué les ventes de… 100 %.
Un signe d’une amélioration des pratiques ?
Que doit-on penser de ce succès avéré ? Évidemment, cette forte réduction d’usage est une bonne nouvelle en soi. Une excellente nouvelle même. Seulement, elle n’a apporté aucune amélioration dans les pratiques agronomiques. En effet, le corollaire de cette nouvelle règlementation fut simplement une hausse importante des ventes de glyphosate, avec lequel on remplace tout simplement l’atrazine et pour lequel aucune prescription n’est exigée. En effet, toujours selon le bilan 2019 des ventes de pesticides au Québec, les ventes de glyphosate sont passées de quelque 1,5 million de kilos en 2018 à près de 2 millions de kilos en 2019.
Le cas du chlorpyrifos
Le chlorpyrifos est un insecticide très dangereux, autant pour la santé humaine que pour l’environnement. Il est extrêmement toxique pour les poissons et présente une toxicité élevée pour les oiseaux et les abeilles. Pour l’humain, il est admis qu’une exposition à ce produit peut mener à des problèmes de santé graves. Selon le bilan 2019 des ventes de pesticides, il n’est pas possible de faire l’évaluation des produits de remplacement du chlorpyrifos. Ce dernier, très utilisé dans la culture du chou et de l’oignon, sera vraisemblablement remplacé par d’autres insecticides au potentiel toxique également assez élevé ou alors simplement méconnu.
À moins que…
Pour le remplacement du chlopyrifos, on a une belle histoire à raconter. Et cette histoire, elle se déroule en Montérégie-Ouest, haut lieu de la culture d’oignons et de l’utilisation du chlopyrifos au Québec. Entre 2015 et 2018, un projet mis de l’avant en collaboration avec l’entreprise PRISME a permis de diminuer de manière spectaculaire le recours au chlorpyrifos, et ce, d’une manière totalement écologique.
C’est à la delia antiqua, ou mouche de l’oignon, que l’on doit les ravages justifiant l’apport du chlopyrifos dans la culture de l’oignon. Or, le génie humain n’étant pas seulement chimique, en Hollande, en 1980, Minks et Gruys ont découvert qu’en introduisant de séduisants mâles stériles dans les colonies de mouches, on réussissait à en contrôler la population à tel point que n’importe quel insecticide pouvait aller se rhabiller.
Ainsi, 35 ans plus tard, au Québec, on décida d’appliquer le principe en Montérégie-Ouest, la région produisant à elle seule près de 90 % des oignons au Québec. On fit passer de 267 à 653 le nombre d’hectares traités avec cette technique, dont l’efficacité globale dépend grandement de la popularité. Autrement dit, on doit avoir la participation massive des agriculteurs afin que cela fonctionne, les mouches ne faisant pas grand cas des limites de propriété.
En deux ans, l’utilisation de chlopyrifos fut diminuée de 4,5 tonnes sous sa forme granulaire seulement, c’est-à-dire que les applications foliaires n’ont même pas été considérées. Pour la grande majorité, les agriculteurs qui ont eu recours aux mouches stériles n’ont plus utilisé aucun pesticide et ont rapporté des dommages comparables ou inférieurs à ceux connus avec l’usage du chlopyrifos.
Et puis non…
Un autre coup de l’industrie chimique vint malheureusement mettre une ombre au tableau : depuis 2018, certains producteurs abandonnent le recours aux mouches stériles, y préférant les semences traitées au SEPRESTO – un mélange de clothianidine et d’iminaclopride – un produit qui venait d’être mis en marché à faible coût. Zut !