Ces voyages qui mettent la planète en danger

Diane Brault
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Tour et détour

Diane BraultLa hausse du tourisme mondial et des trajets aériens devient un poids lourd pour l’environnement.

J’en suis à faire mon bilan pour 2018 : multiples déplacements en avion pour une seule année. Grâce à l’internet et à la dérèglementation sur la concurrence aérienne, il est possible de voyager à très bas coût cependant côté carbone et changements climatiques, il y a de quoi réfléchir. Au bilan de mes efforts personnels pour la planète, j’ai planté cette année-là au moins une dizaine d’arbres, j’ai multiplié mes repas sans viande, j’ai visé le zéro gaspillage alimentaire et restreint sévèrement mes déplacements en voiture; de plus, j’ai banni le plastique. Honnêtement, j’ai fait tout pour me donner bonne conscience, mais côté pollution et réchauffement une question m’obsède, dois-je arrêter de voyager pour sauver la planète.

Des bilans inquiétants

Après de nombreuses lectures, je me suis aperçue que d’une conférence sur le climat à l’autre, un même constat se dégage. L’industrie du tourisme au niveau mondial se fait discrète, même si les informations compilées démontrent que les déplacements touristiques représenteraient autour de 8 % annuellement des émissions de gaz à effet de serre, les fameux GES qui eux, sont responsables en partie des changements climatiques. L’impact des vols aériens compterait à l’heure actuelle pour 5 % des GES émis dans le monde.

Selon l’organisation mondiale du tourisme (OMT), le trafic aérien augmente de 3 à 5 % par an et la croissance du secteur du tourisme international pourrait nous amener une hausse possible de 150 % des émissions de GES sur un horizon de 20 ans. Un problème se pose, les améliorations technologiques du secteur aérien ne permettraient de réduire la consommation de carburant des avions que de 1 % pour l’instant. L’industrie du tourisme se manifeste timidement dans les conférences mondiales du côté des stratégies d’atténuation de la pollution croissante qu’elle produit à travers le monde. Le tourisme mondial profite à certains pays, mais à fort prix pour l’environnement.

L’Asie, un continent gigantesque en éveil

Selon l’OMT, seul un retour à un sévère protectionnisme commercial mondial et la restriction de visas pourraient vraiment avoir un réel impact sur la diminution du transport aérien mondial, donc sur les GES qui lui sont associés. Selon l’association internationale du transport aérien (IATA), le nombre de passagers va presque doubler d’ici 2036 atteignant 7,8 milliards de voyageurs si la tendance à la libération commerciale et la facilitation des visas se poursuit. Dans un avenir rapproché soit en 2022, l’IATA prévoit que la région Asie-Pacifique sera la source de plus de la moitié des nouveaux passagers.

Le continent asiatique représente à lui seul près de la moitié de la population mondiale. Toujours selon l’IATA, si la Chine maintient son ouverture actuelle au monde entier et au développement de son marché aérien intérieur et extérieur, elle remplacera les États-Unis comme le plus important marché aérien du monde. Plusieurs pays développent actuellement de gigantesques structures aéroportuaires dont la Russie, l’Inde, la Thaïlande, la Turquie. Le tourisme de masse s’y répand et l’Asie toute entière s’interconnecte économiquement et sur le plan aérien. Forcée d’admettre que mes quelques efforts actuels pour sauver la planète ne sont qu’une microscopique goutte d’eau perdue dans un immense océan.

Sans nier que mes déplacements en avion participent sans aucun doute à la détérioration du climat mondial, je prends en compte maintenant le 95 % de la production des GES attribuables à toutes les autres activités humaines du globe. Il me faut prendre en considération l’extraction pétrolière et gazière, l’utilisation du charbon qui n’est pas encore totalement disparu, les activités militaires et guerrières, l’industrie lourde, l’agriculture et l’élevage, la combustion des déchets, le transport terrestre (voitures) et maritime des biens et des personnes, le transport aérien de marchandises (fret cargo), l’utilisation de moteurs et de chaudières fonctionnant au pétrole sous toutes ses formes dans la production d’électricité, de chauffage, climatisation et désalinisation pour des villes, des chantiers ou des îles sur toute la planète. De plus, s’ajoute la production des innombrables dérivés de la pétrochimie qui sont devenus omniprésents dans la vie quotidienne des habitants des pays industrialisés et maintenant, des pays émergents.

« Il faut que tout change pour que rien ne change »

C’est une réplique du film Le Guépard, de Luchino Visconti. Qui peut sauver la planète ? Qui fera changer le 95 % de la production des GES attribuables à nos modes de vie et à notre dépendance quotidienne et mondiale au pétrole ? Certains voyages plus que d’autres peuvent nous amener à réfléchir aux affres de la globalité planétaire. Trois mondes se manifestent sur le plan des déplacements en avion internes et externes, le travail, la découverte et en constante augmentation, le divertissement. Hyper connectés, nos rapports à « l’autre » changent et la vision actuelle du tourisme dans chaque pays est-elle pour le mieux ou le pire pour la planète ?

Vais-je continuer à prendre l’avion ? Peut-être. Mes voyages m’aident à connaitre, comprendre, apprécier et respecter ceux et celles qui sont différents. Je ne pourrai jamais à moi seul sauver la planète. Même si mes efforts semblent modestes, je n’arrêterai pas de planter des arbres et tout faire pour diminuer mon empreinte carbone sur cette terre unique que nous avons à nous partager.

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