Petite réflexion

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La mise à sac

Émilie CorbeilS’il est une réflexion dont il n’est plus possible de faire l’économie, c’est bien celle qui concerne notre santé environnementale. Et pour y bien réfléchir, un retour en arrière est nécessaire.

Il y a quelque 3 millions d’années apparaissaient les premiers outils fabriqués par le genre homo. Si la découverte de pierres savamment taillées en témoigne, nous savons que plusieurs artéfacts hautement putrescibles et fort probablement de fabrication antérieure étaient utilisés par nos ancêtres. De ceux-là, un type d’objet particulièrement capital : le contenant. Ou si vous préférez, la noix de coco évidée, le morceau d’écorce creux, le panier, le baluchon, la musette, la poche. La panetière, le carnier, la gibecière, la bourse, la sacoche, la besace. Les variations sur le thème sont nombreuses et pour cause – nous n’avons jamais trouvé d’autre moyen de transporter nos butins et n’en trouverons aucun avant l’avènement de la téléportation.

Sac plastique à usage unique

Si les chasseurs-cueilleurs que nous fîmes ont chéri leurs contenants pour y avoir investi temps, ressources et savoir-faire, les sacceurs-magasineurs que nous sommes devenus n’en ont que faire. Ainsi affranchis de l’odieux d’avoir à les fabriquer, nous nous sommes efforcés de les rendre économiques et éphémères à outrance.

Le début des années 1960 a donc vu naître les premiers sacs plastiques; sacs à usage unique qui monopolisent désormais 4 % de la production mondiale de pétrole et mettent 400 ans à se dégrader en nature, faisant au passage de considérables dommages. Un véritable saccage, quoi.

Et depuis des années, nous n’en finissons plus d’y apporter solution après solution ou plutôt, problème après problème. Un autre (léger) retour en arrière est ici primordial : jusqu’au tournant des années 2000, les sacs plastiques avaient un minimum de gueule. Assez, en tout cas, pour revenir intacts d’une virée au Tigre Géant et trôner fièrement à l’intérieur de notre poubelle. Ils finissaient leur vie utile au dépotoir après avoir recueilli nos immondices, certes, mais ici, le terme utile est capital.

Parce qu’on aura remarqué que nos sacs à usage unique, désormais amincis comme peau de chagrin au nom de l’écologie, ne servent plus désormais qu’à nous faire descendre tous les saints du ciel alors qu’ils se défoncent immanquablement avant d’avoir franchi la porte du super marché. Mais à quoi a-t-on pensé ! ? !

Considérant que la sémantique du terme « utile » ne saurait souffrir un régime minceur supplémentaire, voici qu’on nous retourne à nos racines : le contenant doit avoir une valeur et cette valeur ne peut pas être cinq cennes. Il doit être réutilisable. Des centaines de fois, sinon des milliers.

Nouvelle réglementation

Ainsi, comme bien d’autres municipalités, Prévost a compris. Le 14 mai 2018, le règlement 733 était adopté et à partir du 1er janvier 2019, seuls les sacs plastiques de 50 microns et plus ou les sacs réutilisables pourront être distribués par les commerçants. Plus encore, au même jour de 2020, seuls les sacs réutilisables seront acceptés.

Peut-être êtes-vous perplexe, comme moi et bien d’autres. Cette solution est-elle vraiment plus écologique, à l’heure du sac biodégradable, du sac compostable, du sac oxodégradable ou je-ne-sais-quoi-encore-able ?

Et bien il semble que oui, à condition de redonner au contenant l’amour historique qu’il a perdu chemin faisant. En effet, la nuisance du contenant contemporain provient intrinsèquement de son usage unique. Quelque décomposable soit-il, il aura à être produit, monopolisant des ressources pétrolières – sinon agricoles – et énergétiques. On ajoutera à cela que le plastique dégradable reste le plastique qu’il était avant d’être dégradé. Le transformer en particules ne le rend pas moins écotoxique. Au contraire.

Alors j’imagine que nous n’avons pas le choix. Il va falloir trouver des sacs que nous aimons assez pour avoir envie de les garder longtemps et constater, une fois de plus, que l’histoire apporte souvent les solutions les plus efficaces aux problèmes les plus rétifs.

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