Enjeux plein air

Anthony Côté
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La pérennité des sentiers de plein air et les propriétaires terriens, une collaboration est plus que possible

Anthony Côté – Quand les valeurs d’une famille de promoteur coïncident avec celles des passionnés de plein air… squatteurs.

Disons-le sincèrement, la plupart des sentiers de plein air dans les Laurentides ont été créés sans la permission des propriétaires terriens. Aujourd’hui, les gestionnaires des sentiers de plein air doivent rectifier le tir en rencontrant humblement tous ces propriétaires tolérants. L’histoire des sentiers du parc de la Coulée en est l’exemple.

En 1955, Judah Leib Gewurz achète avec un groupe d’investisseurs des terres à Prévost. Il en devient l’unique propriétaire en 1960 par manque d’intérêt des autres investisseurs initiaux. Ces terres représentent aujourd’hui environ 90 % des Clos Prévotois. Judah Leib est le grand-père d’Ilan Gerurz, l’un des principaux dirigeants de l’entreprise Proment.

Le club

Au début des années 1960, le Domaine Laurentien est créé au sud de la Ville de Prévost. Les premiers occupants du Domaine se sont sentis solidaires et une volonté commune d’organiser des activités communautaires s’est vite exprimée. Le comité des Loisirs et de la Culture des citoyens du Domaine Laurentien fut créé en 1980 pour donner une structure à leur aspiration. Leurs réalisations, financées en presque totalité par les citoyens du secteur, se succèdent : une patinoire puis, en collaboration avec le Club Optimiste, le Chalet des Ormes (aujourd’hui le Pavillon Léon-Arcand), suivi d’un terrain de tennis et du terrain de balle de la rue des Malards. À la même période, un groupe de fondeurs se forme pour défricher et baliser des sentiers de ski nordique dans le vaste boisé près du Domaine (les terres de M. Gewurz et de plusieurs autres) et ceci parmi les sentiers de motoneige qui sillonnaient ces terres… encore, je le rappelle, sans autorisation. Le groupe de fondeurs s’est mis à la tâche sans crier gare. À tous les automnes, des bénévoles-fondeurs faisaient des corvées de nettoyage des sentiers les fins de semaine. L’activité se terminait un dimanche soir par un souper de poulet St-Hubert ou à la pizza avec boisson houblonnée, il va sans dire. Les randonneurs estivaux, surtout des marcheurs, ont aussi apprécié ces lieux. En 2001, le club change de nom et devient le Club de plein air de Prévost. Avec la popularité grandissante du vélo de montagne, des amateurs de ce sport très cardio se sont installés pour créer les Sentiers LS… encore sans autorisation. En 2016, le Club de plein air de Prévost est devenu le Club du parc de la Coulée.

Le promoteur

À la fin des années 1990, la deuxième génération de la famille Gerurz entreprend de rentabiliser les investissements de son père. Elle décide de démarrer un projet résidentiel unique en son genre où la conservation et la mise en valeur de l’environnement naturel sont priorisées. L’aménagement des lots se fait en conservant le maximum d’espaces verts publics, selon le concept de lotissement en grappes. Résultat : la superficie demandée par la Ville en espace vert, parc et terrain de jeux est normalement de 10 %, mais avec le projet Proment, elle sera de 43 % à la toute fin ! L’effet net, ici au grand bonheur des amateurs de plein air, est que les sentiers sont préservés en grande partie et que certains perdus sont déplacés pour réunir les espaces verts publics. L’histoire finit bien pour l’instant sur les terres des Clos Prévotois mais d’autres terres sont occupées par les sentiers du réseau du club du Parc de la Coulée. Certains se situent sur le territoire de Saint-Jérôme et de Saint-Hippolyte.

La collaboration

Un bel exemple de responsabilisation a été donné par la MRC des Pays-d’en-Haut avec la formation de la SOPAIR1. Dans le but premier de protéger les sentiers de plein air sur son territoire, elle s’est dotée d’outils pour régulariser la présence de sentiers non autorisés sur des terres privées. Tous les propriétaires doivent être rencontrés par les clubs respectifs et des ententes formelles personnalisées doivent être conclues. Une des principales préoccupations -non fondée- des propriétaires privés est la crainte d’un « droit acquis » du fait que les sentiers sont là depuis plusieurs années et qu’ils ne puissent plus chasser les utilisateurs de leur propriété. Plusieurs ententes sont possibles, celles-ci vont de la tolérance de passage à l’achat pur et simple. Mais si l’entente souhaitée par le propriétaire est une tolérance de passage, il est bien stipulé que le propriétaire peut mettre fin à l’entente en tout temps et que les sentiers seront ensuite fermés. C’est le risque à assumer pour les clubs de plein air. De là, l’importance du respect mutuel et du respect de la propriété privée. Ayez en tête cette préoccupation en vous promenant dans les sentiers de plein air de la région, ayez de l’empathie pour le propriétaire qui vous accueille… souvent malgré lui.

La situation doit être régularisée sur un grand nombre de sentiers de plein air de la région. Le Comité régional pour la protection des falaises (CRPF) travaille très fort depuis plusieurs années pour obtenir des ententes. L’organisme Héritage plein air du nord (HÉPAN) a débuté le processus dans le secteur mitoyen entre Prévost et Sainte-Anne-des-Lacs. Le Club du parc de la Coulée amorce présentement une réflexion quant à la meilleure avenue à emprunter pour régulariser sa situation.

Anecdote : la première rencontre formelle entre des administrateurs du Club du parc de la Coulée et Ilian Gewurz de l’entreprise Proment a eu lieu le 5 juillet 2018 lors de l’entrevue pour l’écriture de cet article.

  1. SOPAIR : Société du Parc Régional des Pays-d’en-Haut
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