Maxim Bernard joue Chopin

Gisèle Bart
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Un programme tout Chopin, devant un public comblé

Gisèle BartLe 21 janvier, à Prévost, le pianiste Maxim Bernard nous interprétait un programme tout Chopin, devant une salle comble qui fut comblée, c’est le moins qu’on puisse dire.

Quand on lit le parcours de Maxim Bernard, ainsi que les éloges dithyrambiques qu’il reçut au long de sa carrière, on le situe facilement dans la quarantaine. Quand on le voit sur scène, on lui donne à peine trente ans. Incroyable !

M. Bernard nous présente d’abord avec tendresse et passion les œuvres qu’il s’apprête à exécuter ainsi que, bien sûr, Chopin, leur compositeur. Horowitz, souligne-t-il, disait que « lorsqu’il était longtemps sans jouer du Chopin, il ne se sentait plus pianiste ».

Après quoi, il rejoignit le piano et nous introduisit dans l’univers de ce romantique par la dernière pièce qu’il ait écrite peu de temps avant sa mort, à l’âge de 39 ans seulement, la Sonate en si mineur, op.58. Au début peu mélodique, le XXe siècle est en vue. Puis, une légèreté où je dirais que Maxim Bernard excelle, ce qui n’empêche pas sa capacité de puissance qui nous sera abondamment démontrée. Cette pièce, illustration des deux aspects bien définis de Chopin, autant orageux que mélancolique, serait à mon avis un testament et c’est dans cet esprit que je l’écouterai. Frédéric Chopin est certes malade, mais encore jeune, ce qui donne une pièce étonnante de contrastes entre énergie, tristesse et lourdeur qui pèse sur les ailes plombées d’un être humain rempli de rêves non encore réalisés. La vie qui veut durer. Un grand défi remarquablement relevé par M. Bernard.

Un Nocturne voilé, des Mazurkas, suivis d’une Polonaise éditée posthume, écrite vers l’âge de 10 ou 12 ans. Une pièce tellement puissante, tellement aboutie, tellement riche que j’ai dû m’informer auprès du pianiste si je ne m’étais pas trompée en prenant mes notes. Mais non, ce me fut confirmé, cette pièce complexe a bel et bien été écrite par un préado (Polonaise no 9 en si bémol majeur, op. 71 no 2). Hommage au pianiste qui lui a fait honneur en y investissant toute sa sensibilité ainsi que toute sa technique.

Des Ballades, joli repos en terrain plus connu, avec finale dramatique cependant. Des bravos fusent. Émerveillement ! La deuxième Ballade est plus saccadée. Ce n’est plus une simple promenade où volettent des papillons. Il se dresse une montagne à gravir, que Maxim Bernard gravit, un fossé à descendre qu’il franchit, des ronces à traverser qu’il traverse pour en arriver au but, triomphalement.

Après l’entracte, un Impromptu, en majeur. La main gauche débusque nos pensées et nos émotions les plus profondes et les met en lumière, ce qui est la définition même du Romantisme. Pendant ce temps, la main droite folâtre au-dessus des contingences matérielles, comme un cerf-volant échappé. Incroyable ! Il faut une intelligence supérieure pour réussir l’écriture de ces œuvres à l’impressionnante indépendance entre ce que doivent jouer les deux mains d’une même personne ! Ce sont des êtres acharnés au travail qui réussissent le tour de force d’exécuter de telles prouesses.

Une Valse enjouée, une Barcarolle berceuse et enfin, cinq Études. Les doigts courent frénétiquement puis, à la toute fin, une fine note déposée avec délicatesse comme ces «mouches» de velours sur le visage des belles du XVIIIe siècle. La deuxième est plus sombre, finale abrupte. Les trois dernières Études seront en majeur. La cinquième a été écrite pour les touches noires seulement. Une intéressante « étude », effectivement.

L’assistance se lève d’un bond. Maxim salue et sourit d’abondance. Puis il s’esquive. Il n’y aura pas de rappel. Nous éprouvons malgré tout un sentiment de plénitude et la vague impression de flotter au-dessus du réel.

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