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Gleason Théberge
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Quand et comment les utiliser

Quand on arrive à Sainte-Adèle en passant par l’autoroute, on croise une structure annonçant la montée à Séraphin. Cette appellation consacre une habitude bien québécoise de signaler  avec un À l’appartenance normalement annoncée par un DE. Si l’on entend souvent C’est la maison à mon frère, chacun sait pourtant que la forme grammaticale correcte serait de dire C’est la maison de mon frère.

                Entre les deux marqueurs de relation appelés prépositions, il existe une opposition d’usage qui associe le DE à la provenance : descendre de Sainte-Adèle veut dire se déplacer à partir de Sainte-Adèle, comme monter de Saint-Jérôme signifie provenir de Saint-Jérôme) ou recevoir un cadeau de sa marraine précise qui le donne. C’est ainsi le cas de la filiation, une provenance charnelle : être l’enfant de ses parents. En guise de variante du même principe d’association, on pourra aussi évoquer l’appartenance ou la matière (d’un être ou d’un objet) : dans  couteau de cuisine, de cuisine dit qu’on s’en sert en cuisine ou pour cuisiner ; dans mur de pierre ou chemin de terre le DE annonce le matériau). Il y a ainsi du passé, de l’accompli, dans l’usage du DE.

                En contrepartie, on utilisera le À pour annoncer ce qui est lié au devenir, à une direction à prendre. On monte à Sainte Adèle (vers Sainte-Adèle), on se rend à la montagne (vers la montagne), on donne quelque chose à quelqu’un (à son intention) ; et dans ces deux exemples, on peut voir la différence créée par la présence du LA, ancien article que la nouvelle grammaire appelle déterminant. On remarquera alors la nuance précisément déterminée qui oppose le À et le CHEZ. On dit ainsi qu’on se rend à l’épicerie (lieu précis) mais chez l’épicier (personne). Il en est d’ailleurs de même pour les compléments du DE qui le suivront immédiatement ou avec l’ajout d’un déterminant : on trouvera à la fois les noms des exemples précédents (Sainte-Adèle, cuisine, pierre, terre) mais aussi des adverbes (venir de loin), des adjectifs (porter quelque chose de coloré) portant toujours les mêmes aspects de provenance ou d’accomplissement.

                Quand il s’agira de verbes (cesser de courir, finir de manger), on notera qu’il s’agit d’actions tout autant marquée par l’accomplissement, alors que ceux précédés du À impliqueront généralement un développement (commencer à parler, avoir un travail à faire). Dans un pareil contexte, la montée à Séraphin offre ainsi l’image d’une ascension vers le personnage, que pourtant on ne trouvera pas en haut de la montée.

                On notera aussi que les DE et les À qu’on retrouvera sur les étiquettes des cadeaux du prochain Noël, équivalent en brièveté à recevoir un cadeau de quelqu’un ou à lui en donner un. C’est à cause du verbe sous-entendu que les deux prépositions sont correctes. Mais quand il s’agit d’envoyer un message, une lettre, un colis, n’utiliser que DE et À est la façon anglaise d’indiquer la provenance et la destination, qui en bon français utilise précisément expéditeur et destinataire. Résumer en DE et À est expéditif et trop terre-à-terre. Cette simple élégance est la signature de la langue française.

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