L’Orient jazzé

Gisèle Bart
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Le Huu Bac Quach Quintet

Gisèle Bart – Quand on apprend l’âge du compositeur et chef de file du Huu Bac Quach Quintet, on s’étonne qu’il ne soit plus un vingtenaire tant son œuvre et l’exécution qu’en fait son ensemble sont empreints de fraîcheur et d’exploration. Ça se passait le 11 mars à la salle St-François-Xavier de Prévost, sous l’égide de Diffusions Amal’Gamme. Huu Bac lui-même au dan bau, à l’erhu, à la guitare et à la quena était accompagné par l’ineffable pianiste Guillaume Martineau au sourire si engageant, l’innovateur batteur-percussionniste Étienne Mason, l’apparemment très jeune, mais non moins allumée violoniste Zoé Dumais et enfin, en l’absence du génial Jean-Félix Mailloux attendu, le contrebassiste Olivier Babaz, absence qu’il a su combler haut la main.

Ça se passait le 11 mars à la salle Saint-François-Xavier de Prévost, sous l’égide de Diffusions Amal’Gamme. Huu Bac lui-même au dan bau, à l’erhu, à la guitare et à la quena était accompagné par l’ineffable pianiste Guillaume Martineau au sourire si engageant, l’innovateur batteur-percussionniste Étienne Mason, l’apparemment très jeune, mais non moins allumée violoniste Zoé Dumais et enfin, en l’absence du génial Jean-Félix Mailloux attendu, le contrebassiste Olivier Babaz, absence qu’il a su combler haut la main.

Ce concert fut introduit par l’enchanteresse Life Strip où chaque instrument eut son solo, pièce close par Huu Bac sur son dan bau (monocorde vietnamien). Il fut poursuivi par un plus ludique Mister Z. Le prochain morceau, Huu Bac nous le présenta ainsi : « Quand on est assez enfoncé en forêt, on entend Le sifflement d’Arbor ». Tout au long de son palabre, le batteur sur ses cymbales et la violoniste sur une seule note quasi imperceptible s’employèrent à créer une atmosphère mystifiante, jumelée bientôt à l’apparition du son du dan bau. Enfin, recula le mystère, réapparut le jazz, libre et expérimental. Puis, c’est sur sa quena (flûte des Andes) que Huu Bac s’exécuta pour les deux prochaines pièces, une musique où l’humain se prosterne devant la beauté de notre planète. Mais au bout d’un temps, la jeunesse reprit ses droits en une finale entraînante, voire coquine.

Les Routes de la Mer, en mémoire de cette nuit où, âgé de seulement deux ans, il s’évada clandestinement du Vietnam avec sa famille sur un bateau bondé de cent inconnus, il la jouera sur sa guitare, le premier instrument qu’il ait étudié. Un piano ensoleillé, une violoniste qui joue beau et juste, un percussionniste et un contrebassiste à l’avenant, un morceau lent, mais plus d’espérance que de tristesse. Après quoi il y eut cette Marche vers la Cité des Rêves. Militaire, assez effrayante, Huu Bac sur son erhu (vièle chinoise), jusqu’à ce moment la pièce la plus dissonante, toute en demi-tons, À la fin, une note monocorde hypnotisante au violon. PAUSE.

Le Foulard Gris, de style « afro-péruvien » du dire même de Huu Bac sera suivi de Soleil sur le Champ de la Vallée, un hommage à Valleyfield, la ville où sa famille et lui purent enfin poser leur bagage. Une œuvre moderne où la violoniste s’est complue et s’est totalement donnée. Problème à rectifier : le son du violon dominait celui de la flûte qu’on ne distinguait bien que dans les plus aigus. Heureusement, Huu bac s’accorda la finale, belle et prolongée, ce qui eut l’heur de nous faire un peu oublier ce petit inconvénient.

La danse de Déli, pièce effectivement tourbillonnante où tous les instruments sont sollicités en même temps, quelque chose qui ressemblait à un reel québécois sauce Asia fut suivie par un hommage à un coucher de soleil sur Notre-Dame de Paris. Pour en être digne, Huu Bac avait « consulté son grand ami Jean-Sébastien Bach » et s’est attaqué à la fugue. Une luminosité établie par une batterie particulièrement intense, une magnificence ! Pour ce qui est des Eaux du Mékong, j’ai dû demander des explications au compositeur. En effet, moi qui avais toujours imaginé les eaux du Mékong s’écouler paisiblement, je venais d’entendre une œuvre tumultueuse, un morceau de « cabane à sucre », finale débridée. Or il s’agissait d’un jeu de mots. En effet, l’entourage musical de Huu Bac avait suggéré qu’on le surnommerait « le Muddy Waters du Mékong », Waters étant un bluesman achevé. D’où le titre Mékong’s Waters ! Enfin, après cette œuvre des plus échevelées, un rappel, un blues très lent, onirique, où chacun des musiciens fut mis en lumière tour à tour.

« Le jazz à saveur d’Orient », ou plutôt « l’Orient jazzé », on ne peut mieux décrire ce que nous avons entendu ce soir-là. Raoul Cyr, président et présentateur nous l’avait bien commenté : « Un spectacle qui nous transporte ».

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