- L’arbre dit à la rivière - 22 novembre 2024
- SOCIÉTÉ - 22 novembre 2024
- POLITIQUE - 22 novembre 2024
Point de vue
Paul Germain– L’attentat de Québec commis par l’un des nôtres, la fuite de nos jeunes partis faire le djihad en Syrie, le désengagement politique de nous tous, la montée du populisme soutenu par les hommes blancs en colère sont tous des symptômes d’un même mal.
Le sentiment d’exclusion, l’incapacité pour chacun de trouver dans ce monde individualiste sa place, son rôle dans notre société hyper fragmentée. Pourtant comme dirait Hubert Reeves, nous sommes des poussières d’étoiles, nous faisons tous partie de cet univers majestueux et pluriel. Mais trop de gens vivent l’impuissance face à leurs conditions de travail hasardeuses, à leurs tissus familiaux étiolés, à l’accroissement des inégalités, et surtout aux choix politiques obscurs de nos gouvernements.
Nos vies de citoyens sont ballottées tels des rafiots d’or au cœur d’une tempête dans un océan trompeur. Nos barques individuelles ou collectives sans voiles ni gouvernail tanguent au bord de l’abîme de la désillusion et du cynisme sous les discours nébuleux de nos capitaines myopes et sourds.
L’impossibilité d’avoir une emprise sur notre monde nous gruge, nous interdit d’espérer, nous tue.
Et pourtant, nos leaders, même inspirés, nagent dans le déni. Nos chefs navigateurs rêvent de grandes choses, mais deviennent petits quand vient le temps d’agir avec nous. Certains doutent de la capacité des gens à se gouverner. Mais comment comptent-ils changer le monde, réaliser leur projet de société sans se connecter avec nous, sans nous reconnecter avec eux? Comment?
Au-delà des promesses éphémères, nos navigateurs doivent bâtir des ponts avec leurs équipages, pour la dignité de tous, pour notre réussite collective. Ils doivent redonner aux gens un sentiment de contrôle sur leurs gouvernements locaux et nationaux. Cesser de gérer nos corps politiques, comme un hôpital psychiatrique sans même entendre le comité d’usager.
Apprendre à échanger
Et pourtant, lorsque les consultations sont ouvertes et transparentes, les échanges peuvent être civilisés. Prenons l’exemple de l’appui de certains groupes écologistes au projet de la caisse de dépôt de REM malgré le rapport du BAPE portant défavorable à l’idée. Il est possible de construire ensemble. En fait, c’est notre seule issue. Nous sommes tous dans la même galère, nous nous devons de ramer dans la même direction. Et au 21e siècle, cela se fait en consultant, en écoutant, en remaniant, en convainquant, en construisant.
Ce n’est malheureusement pas la tendance actuelle. Monsieur Trudeau renie sa promesse de réformer le mode de scrutin à Ottawa. À Québec, le ministre Coiteux avec le projet de loi 122 sur la gouvernance des villes veut restreindre l’utilisation des référendums lors des changements de zonage. Le cabinet Couillard oppose une fin de non-recevoir à la prolongation des consultations sur le redécoupage de la carte électorale dans Sainte-Marie Saint-Jacques. Le parti libéral du Québec refuse d’adopter une réforme du scrutin qui fait consensus auprès de tous les autres partis. Etc.
Il est dommage de voir les gens de pouvoir ne pas être des gens de devoir.
Chers dirigeants, en vous coupant de nous, vous renoncez à notre force, vous abandonnez votre propre puissance. Quand bien même vous présenteriez le plus beau projet pour votre ville ou votre pays, personne ne l’adoptera, car personne ne vous fait plus confiance, personne ne regarde plus dans votre direction.
Le politique a perdu ses réflexes démocratiques ce qui a comme conséquence que les gens s’en éloignent lentement. Bientôt, c’est certain, les citoyens y tourneront définitivement le dos. Élus et commettants iront dans des sens différents. Vous me direz que c’est depuis longtemps commencé et vous avez bien raison. Mais nous avons souvent blâmé les jeunes et moins jeunes sans trop chercher la responsabilité des élus. Dans l’état actuel des choses, ce ne sont pas les citoyens qui souffrent d’une quelconque anémie démocratique, mais les politiciens qui sont atteints de schizophrénie.
Trump, terrorisme, indignés, loups solitaires, radicalisation, une mutinerie se fomente.
Réagissez femmes et hommes politiques, connectez-nous à vous, donnez un coup de barre démocratique, hissez les voiles pour que nous ayons tous le vent en poupe avant que nos libertés, tel le vaisseau d’or, ne sombrent et ce ne sera pas dans l’abîme du rêve, mais dans l’abîme obscur et vide avec dégoût, haine et névrose. A écrit le poète Nelligan.
Ne soyez pas au-dessus de nous, mais avec nous
Pour nous, matelots, montons sur le pont, scrutons les horizons, levons l’ancre, hissons les voiles, grimpons au grand mât, souquons un coup et déjà nous aurons une main sur le gouvernail. Investissons-nous, nous faisons partie de la solution.
Tous les jours, nos habits démocratiques inexorablement se rétrécissent, ne nous laissant pas le choix de nous retrousser les manches. En 2017, auront lieu des élections municipales, une chance unique pour renverser la vapeur, pour que les citoyens de bonne volonté, les « faiseux » comme les appelle Alexandre Jardin, pour qu’ils s’impliquent enfin en politique et montent à l’abordage de nos vaisseaux démocratiques pour forcer les amiraux et capitaines à prendre conscience de leur devoir et de faire avec nous.